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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

Weber, Meyerbeer, etc. — Puis, c’est l’emploi systématique du Leitmotiv, représentation musicale d’un sentiment ou d’un personnage, qui, dans ses transformations sans fin, suit pas à pas les modifications conscientes ou inconscientes de l’un et de l’autre. On a dit qu’il est une convention avec l’auditeur ; mais conventionnel ou non, par cela seul qu’il se répète, paraît et disparaît, il semble doué d’une existence propre ; parfois même il simule la vie par sa nature essentielle faite d’unité et de variabilité il est l’équivalent affectif d’un individu ou d’un caractère.

2o Sous la forme libre, dégagée des mots, purement instrumentale, le procédé ne varie pas quant à sa nature psychologique. Dans le développement musical, les historiens ont noté plusieurs étapes : chez les primitifs, l’invention est mélodique et rythmique ; plus tard elle devient surtout harmonique ; plus tard encore, instrumentale, comprenant à la fois et dans un même acte d’invention, le chant, l’harmonie et la couleur de l’expression[1]. Grâce à cette complexité croissante, la musique pure s’est abstraite peu à peu de la musique chantée « par un phénomène de désappropriation ». À ce moment de l’évolution, l’imagination affective peut donner sa mesure. Elle

  1. Pour les documents, voir Combaricu : Les rapports de la musique et de la poésie, p. 130-144. D’après lui, les premières formes musicales créées par l’homme ont été initiatives et descriptives. Une fois constituées, on les a considérées en elles-mêmes, ainsi dégagées de toute attribution concrète. Dans l’histoire de cette évolution qui aboutit à la musique abstraite, les premières compositions Instrumentales paraissent n’avoir été qu’un déplacement du chant », le modèle vocal restant toujours présent.