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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

elle ne renferme rien autre chose que des formes sonores en mouvement ; elle est une arabesque qui s’anime par une autogénie continuelle ; elle est semblable à un kaléidoscope. « On s’est habitué à considérer le sentiment évoqué par une œuvre musicale comme le sujet, l’idée, le fond même de cette œuvre, et à ne voir dans les combinaisons sonores traitées avec art et intelligence que la simple forme, l’image, le revêtement matériel du sentiment. Mais c’est précisément la partie spécifique à la musique, faite de ces combinaisons si dédaignées, qui constituent la création de l’artiste…, c’est là, dans les formes sonores et précises que réside le sens spirituel de la composition, non dans la vague expression d’ensemble d’un sentiment abstrait. La forme pure, par opposition au sentiment, est le vrai sujet, le vrai fond de la musique ; elle est la musique elle-même. Le travail créateur du musicien a son point de départ, non dans l’intention de peindre musicalement telle passion, mais dans l’invention d’une mélodie, d’un motif qui naît dans son esprit par l’effet d’une puissance mystérieuse, inexplicable dans son germe, « C’est un chant intérieur, non un sentiment intérieur qui pousse le musicien à composer. » Le thème où motif est « le microcosme musical » dans lequel on ne peut séparer le fond de la forme. « Le thème principal est la tige, véritable substance et fond (sujet) de l’œuvre musicale. Tout dérive de lui ; il est l’axiome… Le compositeur traite son thème principal à la manière d’un héros de roman, ne perdant jamais de vue que tout se