II
La forme complète se rencontre dans la création musicale, non toujours, mais avec des restrictions qui vont être immédiatement indiquées. Il y a, ou effet, une question préliminaire à éclaircir, sans quoi tout ce qui suit risquerait d’être bâti sur un terrain mouvant.
Parmi les définitions de la musique, il en est une qui, avec quelques variantes, revient constamment : « C’est l’art d’exprimer les sentiments et les passions par les sons ». Sur une trentaine de formules qu’un musicographe a recueillies, je trouve qu’elle figure pour les trois quarts. Or, c’est là justement le point on litige : La musique a-t-elle pour but principal d’exprimer des états de sentiment ? Deux opinions radicalement contraires sont ici en présence ; l’une l’affirme, l’autre le nie.
La première thèse a été soutenue par des savants, des philosophes, des esthéticiens (Helmholtz, Kant, Herbart, Lotze, Vischer, etc.), et même par quelques musiciens comme J.-J. Rousseau. Elle a été développée avec une habileté supérieure et une remarquable puissance de dialectique par Hanslick, dans son livre très connu : Vom musikalisch-Schönen. Si l’on néglige les discussions épisodiques ou purement critiques, la partie positive de cet ouvrage peut se résumer ainsi : Le seul contenu de la musique est le son ; elle n’a pas de matière dans le sens du sujet traité, « La musique ne parle que les sons » ;