Cette matière émotionnelle se fixe et s’exprime le plus souvent par des mots ou des formes plastiques. Mais on peut s’aventurer encore plus loin dans le vague, là où le fil conducteur, dernier vestige du raisonnement affectif, se dessine à peine dans la fluidité de la construction esthétique. C’est quand les sentiments ne sont plus traduits que par des sons. Ce cas, en raison de sa nature singulière, me paraît mériter une étude spéciale.
J’ai essayé d’établir ailleurs l’existence d’une mémoire purement affective. Cette thèse a suscité d’abord des critiques, plus tard des études nouvelles sur le même sujet[1]. Je me propose de poursuivre dans cette voie, en établissant l’existence d’une forme d’imagination créatrice purement affective, c’est-à-dire qui n’a pour matière que des sentiments, émotions et passions.
Autrefois, nous nous sommes demandé : Existe-t-il une mémoire affective pure, c’est-à-dire distincte et indépendante des circonstances concomitantes de l’émotion, reproduisant l’émotion elle-même ?
Maintenant, nous nous demandons : Existe-t-il une forme d’imagination créatrice qui, suivant des rapports nouveaux, rassemble et combine des états affectifs de diverse nature et rien qu’eux ?
Quoiqu’elle ne soit pas très commune, cette forme d’imagination existe et se manifeste de plusieurs manières dont une seule est complète ; — elle sera le principal objet de ce chapitre — les autres sont partielles ou atténuées.
- ↑ Celles de Pillon, Mauxion, Paulhan, Urban, etc.