changeant ses matériaux de construction. Voici comment :
1o En éliminant les concepts-valeurs qui, malgré leur coefficient affectif, conservent une certaine marque intellectuelle et donnent l’illusion de notions, d’idées générales, rendant possible un enchaînement logique ;
2o En leur substituant des états de conscience autres, que j’ai proposé d’appeler des abstraits émotionnels. Ce sont des images qui se réduisent à quelques qualités ou attributs des choses, tenant lieu de la totalité et qui sont choisis entre les autres pour des raisons diverses, mais toujours d’origine affective. En d’autres termes, l’abstrait émotionnel résulte de la prédominance constante ou momentanée d’un état affectif. Un aspect quelconque, essentiel ou non, surgit en relief uniquement parce qu’il est en rapport direct avec notre sensibilité : une qualité ou un attribut sont choisis spontanément et arbitrairement parce qu’ils nous plaisent ou nous déplaisent en quelque manière[1].
- ↑ Pour plus de détails nous renvoyons à nos Psychologie des sentiments, partie 1, chap. xiii, et Imagination créatrice, partie III, chap. ii. Les abstraits émotionnels résultent de deux procédés principaux ; 1o La fusion. Ils sont un résidu condensé d’émotions analogues ou coexistantes, un sentiment général extrait de la masse des impressions particulières ; 2o La généralisation proprement dite. Les sentiments participent au processus de généralisation des idées qu’ils accompagnent. Le mot symbolise l’idée générale qui est — dans la conscience — une image générique ou un état unique tenant lieu de tous les autres. Le mot par son association avec l’image et par suite avec le sentiment peut éveiller celui-ci directement : Ex. : murmure de la forêt, brise du printemps, etc. Elsenhans, à qui j’emprunte ces exemples (loc. cit.), fait remarquer que ces formes abstraites des sentiments sont inférieures en intensité et en netteté aux formes concrètes.