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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

ramener à un syllogisme : ce qui ne prouve guère. Artificiellement, tout peut revêtir la forme syllogistique. Au reste, ce problème est en dehors de notre sujet et nous pouvons nous dispenser de prendre parti. D’abord beaucoup de formes de l’imagination créatrice (scientifique, mécanique, pratique, commerciale, financière, stratégique, etc.) sont par nature étrangères à la logique des sentiments. Même on se restreignant à la création esthétique, la question serait très complexe. Une bonne part de l’invention est généralement attribuée à la spontanéité, à l’intuition, à l’instinct, c’est-à-dire à des opérations à demi inconscientes sur lesquelles on ne peut faire que des hypothèses. Quant au raisonnement proprement dit, il varie suivant la nature de l’invention et suivant celle de l’inventeur.

Admettons, pour simplifier, deux grandes classes :

Celle où le créateur a le soin prépondérant de la belle ordonnance, de l’harmonie, de l’unité parfaite : alors, le travail logique est fort analogue au raisonnement mixte précédemment étudié ;

Celle où la fantaisie court et se répand à son gré. Ici le soutien logique est si léger, si faible, que dans les cas extrêmes il se rapproche de la simple association comme la courbe tendant vers son asymptote. Cependant la logique, même sous cette forme sentimentale, ne devient pas uniquement une suggestion ou évocation d’états affectifs. Son but n’étant plus de démontrer ni de conjecturer, mais d’organiser, elle change de nature en