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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

doyer — il ne s’agit que de lui — est une forme franche ou dissimulée, violente ou mitigée du combat. Il cherche le succès, la victoire, le triomphe et, comme à la guerre, tout est bon, même la ruse. Ceci est vrai des discussions familières comme des plus hauts débats. C’est qu’il a sa source non dans l’égoïsme pur, mais dans la tendance du moi à l’expansion, à l’affirmation de lui-même et, s’il le peut, à la domination. Est-on convaincu, la croyance étant l’expression de nos désirs ou répulsions internes, on défend sa propre cause. Est-on peu ou point convaincu de la thèse qu’on soutient, en l’adoptant on la fait sienne et on la défend par amour-propre. Les deux cas imposent la même attitude.

Mais les grandes convictions seules créent la logique affective et par elle la maîtrise des âmes : par exemple, Savonarole entraînant les Florentines au sacrifice de leurs bijoux, de leurs vêtements de luxe, et le peintre Bartolomeo della Porta à brûler lui-même ses tableaux, À de telles œuvres, un ordre simple ne suffit pas ; pour que l’impératif soit obéi, il faut une accumulation de raisons émouvantes qui sont les moyens termes préparant la conclusion.

Après avoir étudié séparément les principales formes du raisonnement affectif et montré, en fait, qu’une classification nette, précise, complète est impossible, qu’une approximation seule est possible ; on peut, d’un point de