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LE RAISONNEMENT MIXTE OU COMPOSITE

dent puisqu’il se propose d’agir sur les autres hommes. « En apparence, dit Tarde, rien de plus contraire à la logique que la rhétorique. La rhétorique n’est-elle pas essentiellement l’art des virements non logiques de la croyance et du désir ? Oui, au sens individuel du mot logique. Mais, au sens social, elle est l’instrument logique par excellence, le procédé le plus puissant de diffusion imitative des idées et d’équilibration ascendante des croyances. Ceux que la rhétorique persuade sous la forme du livre, du journal ou du discours ont besoin d’être persuadés et sont presque toujours impuissants à se convaincre eux-mêmes. Un passage de Maudsley est bien propre à nous montrer la logique individuelle réduite à ses seules ressources : « Il y a des personnes, dit-il, qui ont l’habitude de peser leurs raisons si minutieusement (c’est-à-dire de se conformer si exactement aux règles de la logique individuelle), qu’elles prennent difficilement une décision et on les aide grandement si l’on répète simplement sur un ton de confiance les raisons qui les font pencher d’un côté. Ces personnes se sentent soulagées, bien qu’au fond elles puissent n’avoir aucune estime pour le jugement de celui qui les a conseillées. » Cette action prestigieuse d’un individu sur un autre se produit, on le voit, en violation de toutes les lois de la logique individuelle isolément considérée[1].

Il faut préciser davantage, car l’action sociale du raisonnement se manifeste de plusieurs manières. Le plai-

  1. Logique sociale, p. 76 (Paris, F. Alcan).