tuels que des états de sentiment ; leur force est dans le facteur affectif qu’ils contiennent ; ils agissent non par preuves, mais par suggestions.
Enfin, il y a l’action des gestes, du débit oratoire, de la voix. Cette éloquence du corps, d’une puissance aussi grande qu’éphémère (ce qui a fait dire à tort que l’orateur meurt tout entier), est un élément de la logique émotionnelle, puisque l’émotion forte et son expression physiologique sont inséparables. Dans les assemblées religieuses (missions, revivals), les conversions brusques, les terreurs, les sanglots, les cris ; dans les assemblées politiques ou populaires, les entraînements irrésistibles : ces faits et bien d’autres montrent que l’action chez l’orateur est une manière de preuve et remplace parfois une démonstration[1].
Reste à signaler un caractère qui distingue le raisonnement mixte entre toutes les formes de la logique des sentiments, peut-être parce qu’il est plus fortement empreint de rationalité. Le raisonnement passionnel, de justification, de consolation, de conjecture imaginative, celui qui produit des conversions et transformations ont tous une marque purement individuelle ou ne dépassent l’individu que rarement et par accident. Le caractère extra-individuel, social du raisonnement mixte, est évi-
- ↑ Il faut reconnaître que, dans ce cas, la logique des sentiments se rapproche beaucoup de la logique instinctive, organique, plutôt que psychique. Mais je rappelle que, sans appareil oratoire, sans mots, elle peut imposer une conclusion. J’en ai donné des exemples (chapitre précédent, [53]).