chez les peuples civilisés, ce n’est pas à titre de survivance, mais parce que rien ne peut la remplacer. Pour qu’elle disparût, il faudrait que tout fait démontrable ou que la nature humaine fût transformée de fond en comble. À elle seule, elle est une preuve de fait de la nécessité pour l’homme d’une logique émotionnelle.
Puis, après des siècles, — pas très tard pourtant, comme l’histoire nous l’apprend, — les rhéteurs sont venus qui ont travaillé sur la matière oratoire comme les grammairiens sur la matière linguistique, en ont extrait des préceptes et des règles et composé des traités du parfait orateur. Leur but était uniquement pratique, didactique. Qu’ils aient réussi ou non, peu nous importe ; mais il est certain qu’ils ont fait, sans le vouloir et le savoir, un premier essai d’une logique des sentiments, restreint à un cas particulier. On peut s’en convaincre par l’examen de quelques détails.
D’abord, la préoccupation exclusive, obsédante, du succès à conquérir par tous les moyens possibles, surtout par l’action des secousses émotionnelles : « Pour l’orateur, l’homme est un être mis en mouvement par l’imagination et la passion. « L’éloquence se juge à la réussite, c’est-à-dire à l’effet produit, et on n’agit sur les hommes que par les passions. » « Il ne s’agit pas d’éclairer, mais d’entraîner, de convertir, Il faut remuer le cœur, ébranler l’imagination, subjuguer la volonté. » Tels sont les préceptes généraux qui reviennent à satiété dans les traités de rhétorique les plus renommés.