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LE RAISONNEMENT MIXTE OU COMPOSITE

d’un problème. Bien que le résultat soit souvent pressenti, soupçonné, il reste conjectural tant qu’on n’a pas épuisé la série des moyens termes qui imposent la conclusion. Dans le second cas, une affirmation est posée à titre d’hypothèse l’œuvre de la démonstration consiste à la valider par un enchaînement rigoureux de raisons[1].

La logique des sentiments, elle aussi, s’oriente dans ces deux directions : tantôt elle s’essaie à découvrir, nous l’avons vu en étudiant le raisonnement imaginatif ; tantôt elle simule la démonstration, comme dans le plaidoyer. Mais entre la démonstration et le plaidoyer, la différence est foncière.

La démonstration marche vers son terme d’un pas méthodique et assuré. Elle n’a qu’un but, la vérité. Elle ne s’adresse qu’à l’homme intellectuel. Elle est de nature spéculative, La conclusion atteinte régulièrement, elle ne s’inquiète pas des conséquences pratiques.

Le plaidoyer marche tout autrement. La conclusion est arrêtée d’avance. Fournir des preuves est pour lui une œuvre secondaire, au fond un simple moyen. Il n’a qu’un but persuader, entraîner, faire agir ; il n’a que des préoccupations pratiques. Il s’adresse à l’homme tout entier, surtout à ses sentiments, à ses tendances, à sa

  1. Remarquons que la différence entre les deux procédés est un peu superficielle. Les théorèmes de la géométrie, les principes de la physique, actuellement matière à démonstration, ont été à l’origine le résultat d’une marche vers l’inconnu. Par contre, dans certains cas, pour des nécessités didactiques ou autres, on suppose le problème résolu. Alors la démarche logique prend la forme d’une démonstration, étant au fond un procédé de recherche.