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LA LOGIQUE DES SENTIMENTS

partie imaginatif, en partie intellectuel. À ce titre, nous pourrions l’omettre ; quelques remarques suffiront à montrer les différences,

Le sorcier se croit un être surnaturel. Chez quelques peuples, il l’est par droit de naissance, la profession étant héréditaire ; mais partout, il doit subir un long noviciat, de dures épreuves ; il n’acquiert son savoir et sa technique qu’avec beaucoup de peine, comme le font à notre époque un chimiste ou un musicien. Même en faisant la part de l’imposture, il est convaincu de pouvoir à son gré faire la pluie et le beau temps, tuer, guérir, etc. Ses incantations ont une vertu irrésistible qui vient de lui. Quelques-uns se sont crus capables de forcer les dieux à l’obéissance. Il vit donc dans un monde imaginaire.

Toutefois, il y a dans sa prétendue science des éléments rationnels d’une nature trouble et suspecte. Il raisonne d’après des analogies factices (la poudre de momie est un brevet de longue vie), Il se complaît surtout dans l’emploi abusif de la notion de cause[1]. De là des principes comme ceux-ci : « L’effet ressemble à la cause qui le produit », source de la magie imitative ; exemple : l’envoûtement, qui a été pratiqué partout. « Les choses qui ont été en contact et ont cessé de l’être, continuent à s’influencer comme si le contact persistait > : c’est le principe de l’action à distance.

  1. Ce fait a été signalé par les ethnologistes et mythographes qui consentent à dépasser la simple collection des faits : Voir Tylor, Primitive culture ; A. Lang, Mythes, cultes et religions (Paris, F. Alcan) ; mais surtout Frazer, The golden Bough, t. I, chap. iii.