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PRÉFACE

le raisonnement qui renferme la preuve et le raisonnement qui échappe à la preuve, quoiqu’il la simule ; entre la logique rationnelle et la logique des sentiments. Celle-ci, de prime abord, semble un résidu de l’autre, fait de déchets et de scories ; il n’en est rien. Elle-ne peut non plus être assimilée à une forme embryonnaire, à un arrêt de développement ni même à une survivance, car elle a son organisation propre et sa raison d’être. Elle est au service de notre nature affective et active et elle ne pourrait disparaître que dans l’hypothèse chimérique où l’homme deviendrait un être purement intellectuel. On peut d’ailleurs affirmer sans crainte que dans le cours ordinaire de la vie individuelle ou sociale, le raisonnement affectif est de beaucoup le plus fréquent.

La « Logique des sentiments » a été indiquée par Auguste Comte en de très courts passages, puis nominée ou réclamée incidemment par Stuart Mill et quelques contemporains. Mais je n’en connais aucun qui ait tenté de traiter même sommairement cette obscure question : j’avoue que je ne l’aborde pas sans défiance et que je ne présente ce qui suit que comme une ébauche ou un essai.

Ce travail complète deux ouvrages précédemment publiés : La Psychologie des sentiments, dont il