valeur s’accumulait suivant un mécanisme précédemment décrit.
Je n’ai parlé que des conversions religieuses parce que, enveloppant l’homme tout entier, elles sont le type de cet événement psychologique. Il y en a d’autres, morales, politiques, esthétiques qui se manifestent aussi par des altérations profondes et permanentes du sentir et de l’agir ; si l’explication hypothétique qui précède est tenue pour valable, on peut l’appliquer à tous les cas.
On trouve dans la personne de Nietzsche un curieux exemple de conversion à la fois religieuse, morale et esthétique les documents ne manqueraient pas pour l’étudier en détail. Il a passé d’un christianisme sincère à l’athéisme ; de la morale commune à l’immoralisme, à la transmutation des valeurs et à la théorie du Surhomme ; d’un wagnérisme fougueux à un antiwagnérisme intransigeant, de l’art « de la décadence » à l’art « apollinien » ; sa conversion esthétique, à l’encontre des autres, s’est produite par une crise violente et s’est affirmée avec fracas. Il a traversé « une maladie » et « le plus grand événement de sa vie a été une guérison ». C’est un très bel exemple de logique complète, intégrale, à la fois rationnelle et affective. Tantôt sa pensée est systématique, sa dialectique serrée. Tantôt le raisonnement, mû uniquement par les secousses de l’émotion ou le cours irrésistible de la passion, dégénère en injures. La contradiction dans son œuvre est celle des deux logiques : l’affective l’emporte, et on sait qu’elle ignore les contradictions.