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LE MÉCANISME TRADITIONNEL.

abstraites pures et simples, des concepts de quantités non ligurées. Elle remplace ce qui était langage sensible, termes de perception, comme les masses, les mouvements, les liaisons, les chocs, les mécanismes, par un langage d’idées, par des termes d’intellection. Des grandeurs définies algébriquement, et non géométriquement, encore moins mécaniquement, des variations numériques mesurées à l’aide d’une échelle conventionnelle et non plus des changements perceptibles, mesurés par des déplacements dans l’espace par rapport à une origine locale, voilà les matériaux de la conception nouvelle : la physique conceptuelle, par opposition à la physique mécaniste ou figurative.

b) Cette modification de forme est parallèle à une modification du contenu, et a été amenée par elle. La physique mécaniste parlait des principes.de la mécanique rationnelle et des éléments considérés par cette mécanique. Comme il se trouve que les principes de la mécanique ne paraissent plus suffisants pour asseoir la science physique, il faut lui chercher des principes nouveaux, des principes qui, cette fois, seront les principes propres et spécifiques de la science physique. C’est en abandonnant les principes de la mécanique que les novateurs sont amenés à rejeter les éléments empruntés à l’intuition et sur lesquels portent les démonstrations de la mécanique. En chercher d’autres n’était guère que substituer à une hyperphysique une autre hyperphysique, restaurer des éléments transcendaiits l’expérience. C’est pourquoi la réforme abandonne résolument l’intuition figurée, et cherche une théorie purement abstraite, qui éliminera aulant qu’il est possible l’hypothèse matérielle.

Quant aux principes spécifiques de la physique, il était naturel de les chercher dans cette partie nouvelle de la science que le mécanisme se montrait impuissant à représenter. Puisque là était la pierre d’achoppement, là devaient être aussi les principes que la physique avait besoin d’ajouter aux principes de la mécanique pour se constituer scientifiquement. La réforme devait donc demander à la thermodynamique les fondements de sa nouvelle doctrine,