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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

qui permettraient au savant, comme à l’historien des sciences, de les négliger. Mais outre qu’elles ne sont pas étrangères au discrédit du mécanisme dans l’esprit de certains savants, il n’en reste pas moins qu’elles prétendent mettre le mécanisme en contradiction avec lui-même et en opposition avec la raison et la logique. Les mécanistes commettraient à leur insu une faute grossière. En croyant respecter l’expérience, ils lui tourneraient tout simplement le dos, car au fond ils expérimenteraient mal. Ils fausseraient systématiquement la réalité. On peut se demander, à vrai dire, comment des expérimentateurs professionnels aient pu être si peu et si mal maîtres de leurs procédés. Mais enfin, le doute, même hyperbolique, mérite d’être mentionné et examiné, avant d’être écarté. Sans suivre la dialectique sur son propre terrain, on peut en confronter les affirmations avec les faits d’observation facile, et voir par là le degré de confiance qu’elles méritent.

Voici, aussi brièvement que possible, la thèse que soutient cette dialectique. L’expérience vraie, le réel, c’est la sensation. La sensation est un état de conscience individuel et spécifique. Il n’y a pas deux sensations identiques. L’expérience bien conçue doit donc nous mettre en face d’une poussière impalpable de phénomènes, où pas un grain ne ressemble à l’autre, où pas un grain même n’est défini et représentable, car il est lui-même, si petit qu’il soit, coloré d’une infinité de nuances. Essayer de définir le réel, c’est l’altérer, car il est ineffable. Faire une expérience, en fixer quelque chose, noter un fait, c’est avoir faussé le réel, l’objet chimérique qui nous échappe de plus en plus, à mesure que nous essayons de l’étreindre.

Le mécanisme n’aurait donc aucune objectivité, bien qu’il affirme qu’il n’est que le décalque de l’expérience, parce que ce qu’il appelle expérience, fait, est l’altération nécessaire du réel. Il veut chasser l’arbitraire aprioristique. À mesure qu’il le chasse, cet arbitraire revient au galop.

Avec cette critique, il faut, pour ne pas sombrer dans l’équivoque, s’habituer à un renversement complet des termes usuels. Ce que jusqu’ici on appelait subjectif, les