Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE SIMPLEMENT CRITIQUE.

énoncés 1o, 2o et 3o, sont des constatations de faits, ou plutôt ils sont le seul et même fait exprimé de trois façons différentes. Et cette traduction comporte bien une part de convention, comme tout emploi de signes, tout langage, même naturel. Elles classent le fait dans le groupe, et toute classification implique de l’artificiel et de l’arbitraire, puique les faits réels sont tous individuels. Mais les conventions apportées par ces classifications ne sont relatives qu’au langage dans lequel on exprime le fait, au mode de groupement proposé ; elles supposent toutes en dehors d’elles, en dehors de leurs prises, l’existence d’une matière brute, à laquelle nous ne pouvons rien changer et qui nous est imposée du dehors, objectivement, nécessairement[1].

3. — La preuve en est que chacune de ces propositions successives qui recouvrent le même fait comme de vêtements superposés, mais dont les plis dépendent toujours du corps qu’ils moulent, peut être vraie ou fausse, ainsi que la prémisse expérimentale. Cela ne se pourrait concevoir si ces propositions étaient les énoncés de conventions, créées librement et arbitrairement par le savant[2]. De telles conventions, ainsi que Poincaré l’a irréfutablement montré à propos des hypothèses mathématiques, qui ne sont que cela, ne peuvent être ni vraies, ni fausses[3]. Lorsqu’on parle de vérité ou d’erreur en mathématiques, on parle de compatibilité ou d’incompatibilité avec des conventions posées comme postulats ou définitions préliminaires. Le raisonnement seul n’a pas qualité pour distribuer les qualificatifs vrais ou faux[4].

Que signifient donc en physique, comme d’ailleurs dans leur acceptation ordinaire, ces qualificatifs ? Ils signifient : accord ou non avec l’expérience, avec une donnée sensible ; ils signifient objectivement réels, ou sans réalité objective, correspondant ou non aux faits bruts. Quels que soient le langage et les conventions adoptées, ce seront en dernière

  1. Poincaré, Revue de Métaphysique, mai 1902, p. 269.
  2. Id., p. 268, 269.
  3. Voir plus haut, p. 172.
  4. Poincaré, Revue de Métaphysique, p. 269.