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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

miers points profonds de divergence entre l’école critique et l’école conceptuelle. Ces dernières rapprochent étroitement les sciences physico-chimiques et les sciences mathématiques. Elles ont étendu purement et simplement une critique des mathématiques analogue à celle de Poincaré aux sciences physico-chimiques : de là est sortie leur conception des sciences physico-chimiques. Duhem veut construire une physique mathématique, dans toute la force du terme : il fait de la physique théorique more geometrico, au sens absolu du mot ; il n’y a pas là assimilation lointaine, analogie ; il y a identité de nature. De même, sous un aspect plus empirique, Rankine, Mach ou Ostwald. Poincaré prend bien garde au contraire de dire que les mathématiques procèdent autrement que les sciences physico-chimiques. La physique raisonne mathématiquement, emploie les artifices mathématiques, mais elle le fait sous certaines conditions qui lui sont propres, et la spécifient, et elle fait aussi autre chose. Elle n’est pas une simple mathématique de son objet.

Qu’est-ce qui différencie physique et mathématique ? C’est le rôle et la forme de l’hypothèse. Poincaré s’est attaché à les analyser (l’un de ses deux ouvrages principaux sur ces questions est intitulé : Science et Hypothèse), et pour bien comprendre sa critique de la physique, il est nécessaire de résumer les conclusions de cette analyse en ce qui concerne les mathématiques.

4. — En mathématiques, les hypothèses « ne sont des hypothèses qu’en apparence et se réduisent à des définitions ou à des conventions déguisées ». Les mathématiques seraient fondées sur des décrets arbitraires de l’esprit.

L’œuvre de l’esprit dans les mathématiques n’est ni une abstraction, ni même une rectification, mais bien une création[1], une invention due à la libre activité de l’esprit. Celui-ci fabrique un système de signes, de symboles qui sont particulièrement aptes à représenter le système de rapports que nous appelons l’expérience et le fabrique avec ses seules ressources.

  1. Poincaré, Science et hypothèse, p. 3.