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REVUE POUR LES FRANÇAIS

des bills irlandais, déposés ostentatoirement par le gouvernement, de sombrer devant l’opposition des intéressés eux-mêmes. La Convention nationale irlandaise réunie à Dublin a rejeté unanimement le projet d’autonomie administrative que la Chambre des Communes avait voté en première lecture avec l’adhésion du leader irlandais M. John Redmond ; à présent ce projet pourra être voté définitivement encore que la chose soit douteuse, mais il sera inefficace dans ses applications, la Convention nationale bien que n’ayant rien d’officiel, étant trop puissante pour que sa désapprobation n’actionne pas l’opinion publique. Il ne s’agissait pas évidemment du Home rule tel que l’avait préconisé Gladstone ; mais il s’agissait de créer en Irlande un Conseil administratif dont 80 membres sur 107 seraient élus et qui engloberait dans ses attributions le gouvernement local, l’instruction publique, les travaux publics, etc… Sans doute le droit de veto concédé au viceroi tendait à rendre certaines de ces concessions illusoires ; peut-être valait-il tout de même la peine d’essayer ce régime. Mais les Irlandais n’ont rien voulu entendre. Le Home rule aut nihil. Ce qu’il y a de curieux dans leur cas, c’est qu’ils doivent plus aux conservateurs qu’aux libéraux ; ces derniers se montrent aujourd’hui impuissants à satisfaire leurs aspirations politiques et il est indéniable que, par une série de mesures sagement conçues et sagement appliquées, les premiers ont réussi à provoquer une renaissance de la prospérité qui aura des conséquences lointaines et considérables. L’émigration, ce critérium da la misère irlandaise, a diminué dans des proportions énormes puisque la seule année 1883 avait vu partir 108.724 individus alors que le taux de 1906 a été de 31.172, l’abaissement s’étant produit depuis quelque temps avec une régularité significative. En même temps, des fabriques, des ateliers, un chantier de constructions navales se sont créés. Au lieu de 33 Coopératives agricoles qui existaient en 1894, il y en avait dix ans plus tard, 780. L’industrie de la pêche a repris. Bref, bien des signes concordent pour montrer la Verte Érin entrant en convalescence après la terrible maladie de langueur causée par les mauvais traitements antérieurs. Cette convalescence ne serait-elle pas compromise par le projet de loi agraire que le cabinet libéral anglais avait déposé en même temps que le projet de loi sur l’autonomie administrative et qui risque d’avoir le même sort, bien que pour d’autres causes. Il confère des droits exorbitants d’expropriation aux conseils agraires locaux et stipule