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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Damien — l’autre qui de quartenier s’était élevé au rang de conseiller-échevin de la ville de Rouen et de secrétaire du roi. Une deuxième branche était représentée par Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny, né au Canada en 1662 et qui s’illustra à Terre-Neuve et dans la baie d’Hudson sous les ordres de son cousin d’Iberville. La troisième branche comprenait les onze fils de Charles Le Moyne, c’est-à-dire d’Iberville, Bienville et leurs frères. Soit en tout, pour cette seule génération, quatorze représentants mâles parmi lesquels on ne trouve que trois sédentaires. Tous les autres étaient occupés à guerroyer aux embouchures du Saint-Laurent et du Mississipi. L’un d’eux avait pourtant pris part à la guerre de Flandre comme page du maréchal d’Humières, position enviée qui aurait pu lui ouvrir le chemin de la faveur royale. Mais — élève de marine avant d’être page — il préférait comme adversaire l’Anglais à l’Autrichien parce que la guerre, là-bas, se faisait à moitié sur l’eau, qu’elle était plus aventureuse et plus variée. Il repassa donc l’océan pour ne plus revenir. Sa carrière, du reste, n’y perdit rien ; elle fut bien remplie. Il la couronna en gouvernant Montréal et en exerçant par intérim, de 1725 à 1726 les hautes fonctions de gouverneur général du Canada.

Le génération suivante est curieuse à observer. Les balles des Anglais et les tomahawks des Indiens ont fait des coupes réglées dans les rangs des fils de Charles Le Moyne et continuent de décimer ses petits-fils. L’un a été tué en défendant Québec dont il dirigeait l’artillerie ; un autre est mort à 25 ans dans un combat contre les Iroquois ; un autre encore a été blessé mortellement à 18 ans à la prise du fort Bourbon ; un quatrième a succombé à 20 ans en Louisiane ; un cinquième qui commandait un brigantin sur le Mississipi a été — ô ironie du sort — pris pour un Anglais par des sauvages amis de la France et massacré comme tel. Par contre l’unique héritier de Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny a fait un établissement définitif à Montréal et sa descendance ne quittera plus le sol natal.

Quant aux Rouennais, l’aîné est mort sans postérité et il semble que les enfants du second tendent à s’orienter à leur tour vers les pays lointains. Ils sont encore échevins, conseillers à la couronne ; mais l’un épouse une coloniale, la fille d’un banquier de La Rochelle qui a longtemps résidé à Montréal et l’autre échange ses fonctions de magistrat pour celles de représentant de la compagnie des Indes. Effectivement, ils donnent le jour