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LA CHINE NOVATRICE

« livre des rites » qui détermine toutes les manières d’agir et de se tenir dans toutes les circonstances de la vie. Tous ces traits sont l’indice d’un esprit conservateur et ces pratiques compliquent apparemment l’introduction des nouveautés. En réalité elles sont un frein à l’emballement des masses et permettent à la Chine d’assimiler ce qu’elle nous emprunte.

Si conservateur soit-il, le Chinois est avant tout pratique. Son respect du passé et des formes anciennes le retient d’adopter inconsidérément toutes les innovations qu’on lui propose et le dispose seulement à ne rien absorber qui ne lui soil nécessaire. Il lui répugne de rompre avec une tradition, de « faire de la peine aux ancêtres » pour une fantaisie inutile, mais il n’hésite pas un instant à s’y résigner dès qu’il a constaté l’utilité pratique d’un changement.

Ainsi les Chinois nous ont pris jusqu’alors relativement peu de chose mais rien qui ne leur soit avantageux. Ils possèdent la sagesse sociale et veulent garder la paix dans les esprits. Ils prétendent évoluer opportunément, éviter les surprises d’une course trop rapide, éprouver la valeur de toute chose avant de se l’approprier. C’est là une admirable supériorité.

Nous sourions volontiers de la lenteur chinoise comparée à la précipitation japonaise. Nos petits neveux sauront mieux juger quelle méthode était la meilleure. Il nous paraît que c’est la chinoise. Au Japon, la transformation s’est trouvée accomplie par l’élite : la masse a imité en elle ses modèles séculaires et s’est pliée sans résistance aux nécessités du progrès mais elle n’a pas toujours compris la raison de ce bouleversement. En Chine, c’est tout l’opposé : l’autorité du peuple y a toujours été supérieure à celle de ses prétendus dirigeants. « L’empereur est un autocrate, son pouvoir est sans bornes contre un individu ; mais l’empire est une démocratie où la moindre association dicte la loi au mandarin. Les décrets impériaux restent lettre morte s’ils ne satisfont pas au vœu public, et le gouvernement ferme les yeux et laisse faire. » Quand la masse a senti la nécessité d’un progrès, elle l’impose, et le pouvoir central, si réactionnaire soit-il, n’a pas la force de l’entraver.

Il est d’ailleurs tout à fait faux et absurde de représenter le gouvernement chinois comme essentiellement et perpétuellement réactionnaire. L’auteur de cet article a profilé d’un séjour assez prolongé à Péking pour entrer en relations avec un certain nom-