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REVUE POUR LES FRANÇAIS

tie indigène ayant régné, l’empereur Hong-Ou reçut le surnom mérité de « Grand Guerrier ». Ajoutez les luttes intestines, les guerres civiles nombreuses, douze changements de dynastie acquis aux prix de révolutions et de combats ininterrompus, et vous apprécierez l’erreur de ceux qui vous décrivent la Chine éternellement calme et tranquille, éternellement amie de la paix. Sa capitale s’est déplacée 55 fois et son histoire pendant vingt-quatre siècles peut-être résumée d’un mot : la guerre.

La Chine a-t-elle été plus immobile dans le domaine des idées ? Nullement. Aucun pays n’a embrassé successivement un plus grand nombre de religions et n’a fourni un tel exemple de goût pour les idées nouvelles. Taoïsme, confucianisme, bouddhisme, islamisme, nestorianisme, zoroastrisme, catholicisme, protestantisme, etc., s’y sont tour à tour implantés, y ont vécu s’entrechoquant, se mélangeant et agitant sans cesse l’âme populaire.

Même instabilité en ce qui touche les institutions et les mœurs. Loin de s’être montrés rigoureusement conservateurs, les Chinois ont toujours témoigné d’une aptitude particulière pour le changement. Les aliments, les modes, les vêtements, la coiffure se modifient là comme chez nous. Les Chinois d’il y a trois cents ans ne portaient pas la natte et n’avaient pas la tête rasée ; leurs femmes n’ont pas toujours pratiqué la mode des petits pieds. Il suffit de passer à Shanghai, à Hongkong, dans n’importe quelle ville où ils vivent en contact avec les colonies d’Européens, pour remarquer l’aisance avec laquelle les Célestes se mettent à adopter nos manières et nos habitudes.

Bref, ils sont loin d’adorer l’immobilité, de détester la nouveauté. Ils sont un peuple comme les autres et c’est les mal juger que les imaginer comme de vivants fossiles absorbés, au mépris de l’avenir, dans l’idolâtrie du passé.

Sans être par nature opposée aux innovations, la Chine se trouve retenue dans sa marche en avant par des forces de conservation qui lui assurent un équilibre permanent. Les Chinois ont au cœur le respect du passé. Ils le traduisent extérieurement par le culte rendu aux ancêtres. Ils aiment la vieillesse. Ils attachent en toute chose une importance primordiale à la forme traditionnelle et chacun sait qu’ils ont pour guide un livre énorme appelé