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FRANÇAIS ET ROMAINS EN AFRIQUE

entre la façon dont Romains et Français, à tant d’années d’intervalle, s’y sont pris pour conquérir, puis pour organiser et faire prospérer leur colonie africaine. Une telle comparaison est doublement instructive en ce qu’elle aide à comprendre, à la fois, en quoi diffèrent et en quoi se ressemblent des besognes identiques conduites successivement par des peuples placés dans des conditions très dissemblables quant à l’époque et aux circonstances.

Avant tout, il convient de se rappeler que l’Afrique romaine a duré près de sept cents ans tandis que l’Afrique française entre dans sa soixante seizième année. Cette disproportion ne doit jamais être perdue de vue dans l’examen des points de rapprochement qui s’imposent. Quant à l’étendue des deux empires, elle fut sensiblement la même. Celui des Romains s’allongea davantage le long des côtes puisqu’il engloba, en fin de compte, la Tripolitaine à l’Est et, à l’Ouest, une bonne partie du Maroc mais il manqua de profondeur et ses limites restèrent bien en deçà non de celles que nous nous sommes réservés d’atteindre mais de celles que nous avions atteintes effectivement il y a déjà vingt-cinq ans.

Il paraît tout simple, au premier abord, de considérer les progrès de la civilisation comme ayant largement facilité les choses à la France mais cette manière de voir ne résiste pas à la réflexion. Si l’on fait exception pour les transports de troupes par mer, rendus beaucoup plus aisés sur de grands navires à vapeur — et, peut-être, pour certaines améliorations des services de ravitaillement et d’intendance, il est évident que nous n’avons pas beaucoup bénéficié de la supériorité de notre outillage général sur celui des Romains. Et, par contre, ceux-ci ont eu sur nous de notables avantages dont voici les principaux.

Le premier a été le point de départ de la conquête. Prenez une carte de la Méditerranée et considérez les positions respectives de Carthage et d’Alger. La pointe avancée sur laquelle est située Carthage ne la rapproche pas seulement de la Sicile et de l’Italie ; elle dessine une espèce de poussée du continent africain dont les rivages, à droite et à gauche, semblent s’enfuir comme pour laisser plus d’indépendance et de sécurité aux occupants de ce poste dominateur. Sûrement les marchands phéniciens qui l’avaient