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REVUE POUR LES FRANÇAIS

les colonies se trouvaient en 1775 en état de soutenir une dernière lutte plus redoutable que les précédentes[1] pour conquérir la liberté. On ne saurait donc étudier de trop près la portion de l’histoire américaine comprise entre la proclamation de Guillaume d’Orange comme roi d’Angleterre et ce fameux combat de Lexington où tombèrent les premières victimes des balles anglaises.

Une nuit d’hiver de l’année 1690, un corps franco indien surprit la petite brigade de Shenectady située dans la colonie de New-York, au nord d’Albany. La neige couvrait le sol. Français et Peaux-Rouges descendaient du Canada, les snow-shoes aux pieds, courant sur leurs longues raquettes. Les habitants de Shenectady se croyaient en sécurité. Par une ironie du sort, leurs ennemis trouvèrent à l’entrée du bourg deux grandes sentinelles de neige que les enfants, la veille, s’étaient amusés à construire. Un peu après minuit, la tuerie commença. Deux heures durant hommes, femmes et enfants furent massacrés. Quelques hommes purent s’enfuir et coururent à moitié nus jusqu’à Albany tandis que derrière eux les flammes dévoraient leurs demeures et les cadavres de leurs proches. Cette agression n’était pas justifiée au point de vue américain. Au Canada, on la considéra comme justifiée par l’état de guerre existant depuis l’année précédente entre l’Angleterre et la France. En fait, elle eut pour résultat de transporter dans le Nouveau-Monde une flammèche de l’incendie qui s’allumait au-delà de l’Océan. De ce jour-là, les colonies s’allièrent pour chasser les Français. L’union se fit devant l’ennemi commun.

Ce n’était pas, loin de là, la première guerre avec les Indiens. Si l’histoire mentionne les bons rapports des visages pâles avec Canonicus, la sachem des Narragansetts ou avec Powhattan, dont la fille Pocahontas, épousa un Virginien[2], elle relate aussi

  1. Ce point est encore contreversé ; cependant la publication du rapport de M. de Bonvouloir, envoyé secret du gouvernement français aux États-Unis, ne permet plus de doute. M. de Bonvouloir qui avait déjà visité l’Amérique et avait précédemment servi dans l’armée française était déguisé en marchand d’Anvers. Son rapport daté de Philadelphie le 2 Décembre 1775, contient ces lignes : « Chacun est soldat ici. Les troupes sont bien habillées, bien payées et bien commandées. Ils ont à peu près 50.000 hommes de troupes payées et un grand nombre de volontaires qui refusent de l’être. »
  2. Pocahontas visita l’Angleterre avec son époux. Elle fut reçue à la cour et très fêtée par les grands seigneurs. Son fils devint un homme distingué. Beaucoup de familles virginiennes sont fières de compter parmi sa descendance.