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L’ART CHINOIS

devant leurs yeux. Mais nous savons qu’autrefois le Pentelique était boisé et il est douteux qu’il présentât dès lors l’aspect d’un fronton. Au contraire la toiture chinoise, avec ses coins relevés et la façon dont sont disposés ses soutiens, évoque si complètement l’image d’une tente qu’il est tout naturel de voir là une persistante influence des traditions pastorales. D’où vient cette persistance ? Il est très difficile de le deviner. Dans le langage courant, on a coutume de parler de la Chine comme d’une contrée que son étroitesse et son immobilité intellectuelle d’une part et, de l’autre, son isolement d’avec le reste du monde ont condamnée à la routine obligatoire. Cela est bien vite dit et ne répond pas tout à fait à la réalité des choses.

La Chine a connu les révolutions politiques et les révolutions religieuses. L’introduction du bouddhisme qui eut lieu dans les premières années de l’ère chrétienne, ses succès, la réaction violente qui éclata vers le milieu du viiie siècle, alors que l’empereur Hiouan-Tsong ordonna la destruction de plus de 40.000 temples et monastères, les transformations du taoïsme, les retours offensifs des disciples de Confucius, l’infiltration du mahométisme commencée vers 620 par la prédication de quatre saints de l’Islam (parmi lesquels se trouvait un oncle de Mahomet qui fut enseveli à Canton) complétée plus tard par une émigration arabe assez considérable, enfin la faveur dont à plusieurs reprises le christianisme fut entouré à la cour de Pékin, faveur dont les effets se répercutèrent dans les provinces les plus éloignées, tout cela n’alla pas, on le conçoit, sans bouleverser profondément l’âme chinoise. Celle-ci eut aussi ses périodes d’épicurisme et de raffinement où l’action et l’initiative personnelles s’effacèrent devant le souci des jouissances présentes et des rêveries voluptueuses.

Les relations du monde chinois avec les autres pays furent nombreuses. Dès l’an 1634 avant J.-C, les annales impériales mentionnent la visite d’une ambassade extraordinaire « venue de soixante-seize royaumes occidentaux ». Cinq siècles plus tard, il est dit que Mou-Ouang accomplit lui-même un grand voyage vers l’Occident, qu’il visita des cités magnifiques dont les aspects l’enchantèrent et qu’il ramena avec lui des ouvriers aptes à reproduire chez lui les merveilles que ses yeux avaient contemplées. L’on s’accorde à penser que les pays parcourus par le souverain asiatique étaient la Médie, la Chaldée, l’Assyrie — et l’on tire argument en faveur de cette conclusion des taï, sortes de tours à