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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

prêtât à des interprétations susceptibles de faire naître de nouveaux incidents de la part de puissances ombrageuses peu satisfaites de l’accord établi à Algésiras. Cet accord enfin n’est pas encore officiellement ratifié par tous les signataires ; sa valeur exécutoire est donc, en quelque sorte, suspensive. La calme et tranquille énergie dont ont fait preuve en cette circonstance les cabinets de Paris et de Madrid a trompé toutes les prévisions et déjoué les calculs du Makhzen. La meilleure preuve de la solidité de l’entente est dans ce fait que deux crises successives sont survenues en Espagne au cours des négociations qui l’ont scellée sans que lesdites négociations en aient le moins du monde souffert. L’action parallèle de la France et de l’Espagne au Maroc ne répond pas seulement aux vues du gouvernement royal, elle est extrêmement populaire d’un bout à l’autre de la péninsule. Elle plait à l’Angleterre à laquelle le peuple espagnol est présentement fort attaché. Ce sont là des gages de durée et de fécondité.

Si la France et l’Angleterre se partagent les faveurs de l’opinion la plus avancée au-delà des Pyrénées, cela est dû pour une bonne part à ce qu’elles représentent actuellement le progressisme et même l’anticléricalisme. Ce dernier point fixe l’orientation de la politique intérieure en Espagne. À la fin d’octobre, a été déposé aux Cortès un projet de loi réglementant le droit d’association et visant les Congrégations religieuses lesquelles ont pris, depuis un quart de siècle, un prodigieux développement, et se sont puissamment enrichies. Elles sont actuellement 3,250. Les cléricaux avancés, ceux que l’on appelle là-bas les « vaticanistes » s’émurent beaucoup moins des dispositions assez libérales de la loi que de l’empressement avec lequel Alphonse xiii avait signé le décret autorisant le ministre de l’intérieur à la présenter aux Cortès. On escomptait une résistance ou au moins de longues hésitations de la part du roi. La spontanéité de son geste n’indiquait pas seulement qu’il entendait ne se point départir de ses obligations de monarque constitutionnel. Alphonse xiii, pour très correct qu’il soit à cet égard, n’a pas comme on dit « froid aux yeux » et, malgré sa jeunesse, il sait donner son avis avec netteté et décision lorsqu’il le juge nécessaire. Il apparut donc clairement que sa Majesté, nonobstant son attachement bien connu au Saint-Siège, se rendait compte qu’en ce qui concerne l’existence et les privilèges des ordres religieux en Espagne, il y avait abus et par conséquent péril. L’opinion en apprécia davantage la clair-