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REVUE POUR LES FRANÇAIS

dénoncent notre infériorité. Un peuple au déclin de sa carrière est incapable d’un si grand effort. Universaliser sa propagande, implanter sa puissance aux quatre coins du globe, y enfanter des sociétés nouvelles et y régénérer des mondes n’est pas l’effet d’une race déchue. Ces résultats sont positifs. Nos prophètes de malheur les constatent avec amertume et se hâtent de les diminuer en les proclamant éphémères. Pour eux, la puissance coloniale de la France est à son apogée, elle déclinera demain. Ah ! si nous écoutions ces marchands de pessimisme, nous serions bientôt tous malades imaginaires, dégénérés par persuasion. Plutôt que de chercher comme eux dans notre avenir des motifs de découragement, retournons-nous vers le passé, fouillons l’Histoire.

J’ai écrit, au début de cette étude, que nous étions des jeunes et des inexpérimentés en matière de colonisation. C’est pratiquement vrai, parce que les hommes de notre temps ont oublié les enseignements de leurs grands-pères, mais c’est historiquement faux. Si la France coloniale moderne s’était souvenue de son passé, elle aurait sûrement abrégé sa période d’essai ; si elle avait mieux étudié les causes de la grandeur et de la chute de son ancien empire, elle aurait donné au nouveau une assise plus solide encore.

Regardez le planisphère reproduit sur la couverture de cette Revue, et comparez ces deux empires ; celui que nous avons perdu ne le cède en rien à celui que nous venons d’acquérir. Allez plus loin, prenez la peine de considérer l’œuvre elle-même : les Dupleix, les La Bourdonnais, les Champlain, les Vaudreuil. peuvent servir de modèles à tous nos administrateurs ; les colonies qu’ils gouvernèrent étaient en excellente voie de prospérité quand la France les abandonna. Vous connaissez le mot d’un ministre de Louis xv affirmant que « toutes nos possessions d’Amérique ne valaient pas une tête d’épingle ! » Avec de telles maximes, on fit bon marché de leur cession à la suite de guerres désastreuses. La faute n’en incombe pas aux colonies elles-mêmes, encore moins aux colons. S’appuyer sur leur perte pour dire que « les Français n’ont pas le génie colonial », c’est comme si l’on reprochait aux matelots d’un navire la maladresse du capitaine qui l’a jeté à la côte.

Sans être devenus des colonistes ardents, les Français d’aujourd’hui sacrifieraient moins volontiers leurs conquêtes d’outre-