Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/475

Cette page a été validée par deux contributeurs.
351
L’ISLAMISME

nos progrès à leur mentalité et à leurs croyances. Ils ne sont pas rebelles à la science et n’ont d’hostilité pour nos systèmes nouveaux qu’en raison d’une idée préconçue qui les leur fait considérer comme un outrage à leur conscience et à leur foi. C’est ce qu’a très clairement exprimé l’un d’entre eux, Savvas pacha, dans une étude en français sur la Théorie du droit musulman : « Le musulman, tout mauvais musulman qu’il pourra être, ne peut accepter sans abjurer une vérité de n’importe quelle nature — toutes les vérités sont religieuses pour les musulmans — si elle n’est pas islamisée… ; rien n’est plus facile — l’abondance des sources de la loi musulmane étant donnée — que d’islamiser toutes les vérités, de les asseoir sur des bases absolument orthodoxes et de les rendre par conséquent non seulement acceptables mais obligatoires pour la conscience mahométane. Le progrès est la loi de l’islam. — L’immobilité est condamnée par Dieu et son envoyé. Mais le progrès doit se présenter sous une forme islamiquement correcte pour devenir acceptable. Toutes les lois et les institutions, toutes les innovations scientifiques, sociales et politiques, nécessaires à la prospérité des peuples peuvent être sûrement extraites des sources de l’islam ou assises sur les vérités qu’elles contiennent. Tout musulman doit alors les considérer comme des devoirs religieux et les accepter avec respect et reconnaissance. Si difficiles qu’elles soient, elles le mettent à même de faire son bonheur et son salut. »

Ainsi l’opposition de l’islam au progrès semble plus apparente que réelle et repose sur une pure question de forme. Il semble même que nos progrès, une fois islamisés, seront adoptés par les musulmans avec un véritable élan religieux, presque avec fanatisme. Ce sera le signal d’une renaissance qu’appréhendent fort ceux qui croient au panislamisme.

Les musulmans sont aujourd’hui plus de deux cents millions. Leur union intime sous un même drapeau constituerait une puissance formidable, péril nouveau pour les nations d’Europe. On désigne par avance cette coalition du nom de panislamisme. Nous avouons en toute sincérité qu’elle ne nous effraie guère. En effet, les musulmans sont dispersés par toute l’Asie et l’Afrique : ils sont 65 millions aux Indes, 15 millions en Chine, 18 millions dans l’Afrique du nord, 14 millions en Russie, 10 millions en Arabie, etc., etc. Leurs intérêts sont différents, leurs langages ne sont pas les mêmes : ils s’entendront difficilement.