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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Comme « la fin dernière de tous les travaux sur l’histoire d’un pays est d’en reconnaître l’orientation », le conférencier se propose de rechercher « le vrai sens de la tradition française ».

Dans cette recherche, les traditions ethnologiques ne peuvent être d’aucun secours. « Le génie celtique des Gaulois, le génie germanique des Francs, sans compter le génie anonyme des antiques chasseurs d’éléphants dont nous n’avons plus que les os, tous ces génies sont maintenant, et depuis très longtemps, si bien fondus dans l’esprit français que tenter de les y dissocier serait une entreprise désespérée. Autant reconnaître dans un fleuve, les eaux de ses affluents. »

« Le seul élément primitif dont l’action ait persisté dans l’histoire de France d’une manière évidente, c’est, non pas le sang, mais la tradition de Rome », par la langue, par la notion, le souvenir et le regret d’une civilisation supérieure, d’un idéal. Cet idéal a agi une première fois « lors de la Restauration de l’Empire d’Occident en l’an 800 » par Charlemagne qui « crut ressusciter l’Empire romain avec la collaboration du Pape », œuvre artificielle qui s’écroula au neuvième siècle ; une seconde fois à partir du dixième siècle : le roi, d’abord simple fantôme, en vint, dans la personne d’une individualité énergique, à essayer de rétablir l’autorité à la romaine, et ainsi naquit et se développa la lutte contre les maisons féodales. « Dès le xiiie siècle, et surtout après la fin de la guerre de cent ans, la France est sans contredit un État et le premier des États européens », le premier en date, le premier en puissance, le premier en civilisation au sens le plus large du mot. À cette époque, la France, en raison de sa force matérielle et de son rayonnement artistique, scientifique et littéraire a « sur tous les autres pays une forte avance historique ».

Dans les temps modernes elle a perdu peu à peu cette avance. Il convient d’imputer cette perte, sauf de très rares exceptions, à la médiocrité du personnel gouvernant. Au point de vue intérieur, la France n’a jamais eu de bonnes finances « ni par conséquent d’armées comparables à celles d’un Frédéric ii de Prusse » ; jamais non plus elle n’a eu de « solide armature administrative ».

Au point de vue extérieur, des fautes graves furent commises. À la fin du Moyen-Âge, l’occasion d’annexer les meilleurs morceaux de l’héritage de Lothaire était perdue. Les Valois reconstituèrent comme à plaisir la féodalité détruite à grand peine par les