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L’AMÉRIQUE AUX AMÉRICAINS

réclamait comme sien en vertu de droits antérieurs et non une contrée qu’elle prétendait pour la première fois, en 1845, ouvrir à ses colons, et Monroë lui même avait déclaré n’élever aucune objection contre les colonies actuelles des puissances européennes. Aussi Polk avait pris soin d’ajouter au mot colonie le mot souveraineté. Ainsi la doctrine de Monroë revêtait un caractère plus restrictif. Ce fut d’ailleurs sans grand effet, car le gouvernement américain accepta la transaction proposée par l’Angleterre et qui consistait à prendre le quarante-neuvième parallèle comme limite des deux souverainetés.

La guerre du Mexique est un fait trop connu de notre histoire pour que nous nous y arrêtions longuement. Mais, considérée en se plaçant au point de vue de la doctrine de Monroë, l’attitude du gouvernement américain fut remarquable en ce sens que, contrairement à Polk, en 1846, le secrétaire d’État Seward n’invoqua jamais la fameuse doctrine dans sa correspondance avec le gouvernement français, et, tout en s’inspirant sans cesse des précédents, n’y fit pas la moindre allusion. Après avoir déclaré, au début de l’incident, que les États-Unis entendaient « laisser la nation mexicaine décider des destinées du Mexique » et bien qu’il en arrivât en 1863 à menacer d’en appeler aux armes si la France ne retirait pas ses troupes, il basa sa conduite politique sur la théorie générale du droit des nations américaines de choisir la forme de leur gouvernement et sur l’hostilité que manifestait la France vis-à-vis des États-Unis en prétendant établir sur leurs frontières un gouvernement à la fois étranger et despotique, Seward, affirme un historien américain, sentait sa position assez forte pour ne point invoquer la doctrine de Monroë. Dans la presse, on avait réclamé une affirmation nouvelle et énergique de la doctrine et le Congrès avait répondu par un vote unanime à cet appel de l’opinion sans que l’exécutif répondit à ces vœux, mais il n’en fut pas moins fidèle au grand principe « l’Amérique aux Américains ».

Le conflit anglo-vénézuélien, qui passa à l’état de crise aiguë en 1895, tirait son origine d’un traité conclu en 1814 entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas par lequel la première acquérait les établissements de Demerara, d’Essequibo et de Berbice. Depuis cette date, la ligne de démarcation entre ces établissements et les terri-