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REVUE POUR LES FRANÇAIS

prit possession de la Nouvelle Calédonie au nom de la France en 1853. Aucun obstacle ne s’opposait alors à ce qu’il plantât le drapeau dans l’archipel voisin. Il l’en jugea indigne.

Depuis, les occasions n’ont pas manqué au gouvernement français d’annexer les Nouvelles Hébrides. En 1875, vingt ans après notre installation dans les îles du Pacifique, l’Angleterre tenait encore si peu de place en ces parages que les colons anglais installés aux Nouvelles Hébrides ne songeaient pas à lui demander sa protection ; ils s’adressèrent au contraire à plusieurs reprises à la France… qui ne daigna pas les écouter.

Plus tard la puissance britannique a grandi dans les mers du Sud, les missions presbytériennes d’Australie ont étendu leur influence, bref, lorsque la France s’est enfin décidée à réclamer la souveraineté sur les îles, elle s’est heurtée aux protestations de l’Angleterre et n’a pu qu’accepter un vague condominium, actuellement encore en vigueur.

Cependant, l’initiative de quelques colons calédoniens, à la tête desquels se trouvait John Higginson, réussit à rendre françaises de fait les plus belles parties des Nouvelles Hébrides. Les difficultés de cette prise de possession furent inouïes. On ferait une épopée du récit des expéditions, des négociations, des luttes d’Higginson, vrai Cecil Rhodes Français du Pacifique. Résultat : en 1887 — époque de la convention franco-anglaise qui consacrait l’abdication de nos droits politiques exclusifs — la Société des Nouvelles Hébrides, fondée par lui, possédait là-bas 700.000 hectares de terres, des solfatares magnifiques, et tous les meilleurs ports. L’influence religieuse, seule, lui échappait, grâce à l’influence acquise par les presbytériens.

L’auteur de cet article a visité l’archipel néo-hébridais au commencement de l’année 1903. Il a constaté de visu la grandeur de l’œuvre française accomplie là-bas malgré la France elle-même. Tous les Français doivent la connaître. Elle leur servira d’exemple et d’encouragement. Ils jugeront sévèrement la conduite des hommes d’État qui ont tenu au bout de leur plume les destinées de ce pays merveilleux et qui, n’ayant pas pris la peine de considérer sa valeur — c’est le mieux que nous puissions dire à leur décharge — ont refusé de le donner à la France.

Si l’opinion publique française s’était trouvée mieux renseignée, il y a trente ans, elle n’aurait pas permis cette forfaiture. Qu’elle apprenne aujourd’hui l’importance de sa perte, et, puisque la