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radicales sont susceptibles, oui ou non, d’avoir une frontière individualiste et de s’y tenir.

Une seconde expérience non moins intéressante est celle du référendum, c’est-à-dire de l’intervention directe de la démocratie dans le gouvernement. Le terme de référendum implique un contrôle provoqué par les gouvernants sur leurs propres actes ; mais on n’a pas tardé à échapper à cette définition trop stricte ; successivement les citoyens ont été admis à provoquer le contrôle, puis à se servir du référendum pour exercer leur initiative en matière législative. Aujourd’hui, le référendum est très répandu en Suisse : il a pris pied dans la Constitution fédérale et tous les cantons, sauf Fribourg, l’ont accueilli à des degrés différents. Qu’il ait contribué à perfectionner l’éducation politique du pays et qu’il ait parfois servi de frein salutaire contre les emballements de l’esprit de parti, nul n’en disconviendra : il n’en est pas moins certain que déranger à tout moment, en dehors des périodes électorales, une moyenne de 300.000 citoyens pour leur poser des questions qui, la plupart du temps, ne sont pas de leur compétence, constitue un usage parfaitement déraisonnable. La réglementation de la propriété industrielle, le système des assurances, l’émission des billets de banque, l’abatage des animaux de boucherie, la vente des boissons distillées, la police des endiguements et des forêts, le monopole des allumettes, l’unification du droit civil et du droit pénal, tout est matière à consultation ; des majorités en général assez faibles se prononçaient dans un sens ou dans l’autre, sans qu’on puisse relever dans leurs décisions le souci d’une orientation durable ou l’influence d’un principe permanent. Il est probable qu’en présence des abus auxquels une démocratie paraît vouée dès qu’elle a établi le référendum ; celui-ci perdra de son prestige et qu’il fera naître en Suisse les tendances à se désintéresser du gouvernement direct, déjà perceptibles chez bien des peuples.

L’impôt sur le revenu n’est point une nouveauté mais les résultats de l’impôt progressif demeurent incertains. Plusieurs cantons suisses l’ont mis en pratique et l’on pourrait citer dans le pays vaudois, par exemple, tel propriétaire qui verse à la chose publique le quart ou même près du tiers de ses revenus ; la chose publique, évidemment, s’en trouve fort bien — un tour à travers Lausanne vous en convaincra — mais cette personne est si vorace que son appétit pourrait augmenter encore ; et qu’arriverait-il ? L’impôt progressif, a dit Numa Droz, « est une poule aux œufs d’or qui