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L’ACTUALITÉ MAROCAINE

Pour cette raison — qui s’ajoute à quantité d’autres — la plupart d’entre nous furent joliment surpris d’apprendre l’importance mondiale du problème marocain. Aurait-on compté seulement par millions les Français hier informés de la situation du Maroc ? ceux qui savaient si Marrakech et Fez étaient ou non des ports de mer ? si Larache et Casablanca étaient, ou non, des oasis isolées au milieu des sables ? ceux qui connaissaient ses produits, ses besoins, ses facultés de vente et d’achat ? vous-même, lecteur, vous seriez-vous classé parmi ceux-là ?…

À la vérité, jusqu’aux incidents de l’an passé, ceux-là seuls songeaient au Maroc qui avaient pour fonction de s’en mêler.

Tout-à-coup le Maroc devint intéressant, pour tous, parce qu’il était d’actualité. En quelques jours, chacun forma son opinion. Les uns, parodiant une phrase illustre crièrent très haut que le Maroc « ne valait pas les os d’un troupier français ». Les autres affirmèrent net que le Maroc « valait une guerre ». Presque tous appuyaient leur avis sur de grands mots, sur de belles phrases, qu’ils citaient à défaut d’arguments positifs. « Nous avons assez de colonies. — Guerre à la guerre. — Cinquante ans d’efforts sacrifiés. — Perte de l’Algérie. — Orgueil national. — Pacifisme. Tels sont les plus fameux « dadas » qu’enfourchèrent nos compatriotes pour la défense de leurs idées. Ces vagues déclamations leur servirent de programme et les dispensèrent de réfléchir sur une question jugée d’enthousiasme. Avez-vous été dupe de cet entraînement, lecteur ? Lisez alors les quelques pages suivantes. Elles ne feront pas de vous un « marocanisant », mais elles vous fourniront au moins quelques indications précises et vous pourrez, sur elles, en connaissance de cause, asseoir votre opinion.

Le Maroc n’est pas un État : c’est une expression géographique à laquelle les traités internationaux ont fixé des limites conventionnelles. Sa superficie, déterminée de la sorte, couvrirait plus de deux fois la France. Ses limites sont : au nord, la mer ; à l’ouest, la mer ; au sud, le Sahara ; à l’est, le département français d’Oran.

Peu de régions sont moins homogènes. Les neiges éternelles y avoisinent les sables brûlants. À la variété des climats correspond naturellement la variété des productions. Au sud du Grand Atlas — dont la chaîne tranche le Maroc en deux parts inégales