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tion. Souhaitons-le, car bien des ambitions jalouses et des rivalités d’intérêts se sont jetées à la traverse et travaillent à détourner vers les colonies voisines un trafic déjà abondant et destiné à s’accroître sans cesse.

Le retour à la terre et à la mer.

Avec la lenteur coutumière, certains des aspects du recensement de 1901 nous arrivent à l’heure même où s’opère le recensement suivant. Il s’agit de la situation professionnelle de la France. Les documents fournis offrent plus d’un détail intéressant. On paraît travailler davantage chez nous, car le nombre de travailleurs est d’environ 50 pour 100 alors qu’il était de 49 seulement il y a cinq ans. Mais ce n’est pas la terre qui a bénéficié de ce surcroît d’efforts. Au contraire, elle a encore perdu. Plus de 250.000 ouvriers agricoles l’ont délaissée durant cette période. Et ce n’est pas la mer non plus car la pêche a perdu le chiffre énorme de 57 pour 100. Parmi les augmentations, il en est d’heureuses et de médiocres. L’accroissement du personnel des usines et ateliers est normal ; il fallait s’y attendre. L’extension du commerce est salutaire ; près de 220.000 commerçants de plus, même en faisant la part des cabarets, cela représente un progrès certain. Par contre, la société n’a point à gagner à ce que le nombre des domestiques s’accroisse, étant donné la démoralisation qui règne de nos jours autour de cette profession ; il n’est pas non plus désirable que la liste s’allonge des gens adonnés aux « professions libérales ». En France, cette liste est déjà trop longue ; médecins, artistes, écrivains — et surtout fonctionnaires se multiplient d’une façon morbide.

Ainsi ce retour à la terre, dont René Bazin désespère et que M. Méline préconise, ne se dessine pas encore. Ne nous attendons pas à en relever davantage les prémices dans les statistiques auxquelles donnera lieu le recensement de 1906 ; ce serait prématuré. Toute une évolution pourtant se prépare dans les profondeurs de nos êtres. Elle est l’œuvre d’infiniment petits. Depuis l’hygiène individuelle jusqu’aux engrais chimiques en passant par l’automobile, le végétarianisme et les syndicats, une foule de nouveautés mentales, médicales, professionnelles et sociales s’agitent pour organiser la revanche des champs et des flots éternels contre la ville vorace, fiévreuse et passagère.