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UN TSAR RÉPUBLICAIN

généreuses d’Alexandre, mais, seul parmi eux, comprend qu’il faut s’en tenir aux idées et que, dans la réalité, la constitution future doit-être une proclamation sans danger pour les privilèges impériaux. En fait, sa Constitution de 1809 rappelle la constitution française de l’an viii : instituant un pouvoir qui choisit les hommes chargés de le contrôler, elle légalise formellement les prérogatives du tsarisme bien plus qu’elle ne leur porte atteinte. En vérité, rien n’est changé.

Pourtant, Speranski n’était pas qu’un dilettante, habile à jouer avec les textes. Il prétendait fonder sur sa Constitution une sorte de gouvernement représentatif qu’il aurait dirigé au nom de l’empereur. Voici comment :

En regard des Assemblées et des Conseils administratifs élus, chargés de la préparation des lois, le Conseil de l’Empire absorbait toute l’autorité. C’était l’Exécutif, le seul contrepoids possible à la puissance du tsar, c’était presque un gouvernement, mais au lieu d’être représentatif du pays, il n’était que représentatif de la volonté impériale et des coteries de la Cour.

Speranski, s’étant fait donner le poste de secrétaire impérial auprès de ce Conseil, avait le projet d’y introduire des éléments tels qu’ils auraient bientôt constitué un gouvernement digne de ce nom. Il échoua au port et fut disgracié en 1812. Ses plans abandonnés, il n’en resta que l’ébauche : elle n’atteignait en rien le principe autocratique.

D’ailleurs, c’était bien là tout ce que voulait l’Empereur : une armature de Constitution donnant au peuple un simulacre de liberté C’est là aussi, nous semble-t-il, ce qu’a voulu son successeur actuel. Mais les temps sont changés. L’autocratie tenait encore ses destinées entre ses mains, il y a cent ans ; à présent, elles passent aux mains du peuple. Les mêmes promesses constitutionnelles ont été formulées par Alexandre ier et par Nicolas ii. Il y a un siècle, personne ne les entendit. Aujourd’hui, chacun les retient. C’est le meilleur gage de leur exécution prochaine.


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