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REVUE POUR LES FRANÇAIS

d’hui déserts ont été surpeuplés ; des contrées aujourd’hui arides ont produit du blé en abondance. Là où règne de nos jours une sécheresse irrémédiable, l’eau amenée ou trouvée par les Romains circulait copieusement. Nous possédons sur ces points les renseignements les plus circonstanciés et, d’ailleurs, des ruines de digues et de barrages permettent de suivre, pour ainsi dire à la piste, le travail des ingénieurs d’autrefois dont il arrive fréquemment à leurs successeurs d’admirer la science et l’habileté. Bien entendu nous ne pouvons être aussi bien renseignés sur les forêts et, à première vue, l’Afrique que nous avons sous les yeux rappelle absolument celle que Salluste a décrite et envers laquelle il usa d’un esprit critique très aiguisé. Il jugeait notamment que son sol était inapte à produire des arbres et les apparences présentes lui donnent de nouveau raison. Dans l’intervalle, pourtant, d’immenses forêts se sont étendues sur ce sol ; tout en faisant la part de l’exagération, force est bien de tenir quelque compte des assertions des historiens arabes décrivant les « voûtes ininterrompues de feuillages » sous lesquelles passèrent leurs coreligionnaires en pénétrant pour la première fois en Afrique.

Le régime des eaux et forêts a été, de la part des Français, l’objet d’un tardif effort et l’insuffisance des résultats provient du rattachement de ces services aux pesantes et routinières administrations de la métropole. Il eût fallu des ingénieurs ardents, des décisions promptes, des plans économiques et, au besoin, un grain d’audace et de modernisme dans la façon d’exécuter les travaux et d’organiser l’exploitation.

Tels sont les points sur lesquels la supériorité romaine s’accuse. Mais ils n’atténuent pas les éloges que, d’autre part, comme nous l’avons expliqué, les Français méritent — même lorsqu’on établit une comparaison sévère entre leur œuvre et celle de leurs illustres devanciers.


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