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qui doit passer par une suite illimitée d’états pour en atteindre un définitif ! Ne faut-il pas prendre un nombre infini de 9, pour que votre nombre 0, 999... atteigne la valeur 1 ? et de même n’est-ce pas


un nombre infini de termes qui séparent la somme 1 -- ~ + • • + ôs »

— —

quel que soit n, du nombre limite 2 ?

Vous me direz encore très tranquillement, je le sais, que la longueur de la circonférence est la limite du périmètre d’un polygone inscrit dont le nombre des côtés augmente à l’infini ; mais je ne peux aussi aisément que vous entrevoir cette infinité réalisée. Ou bien je considère le terme, ce que vous appelez la limite, et alors je ne peux y rattacher la chose variable, qui à mes yeux en reste séparée par un abîme infranchissable ; ou bien je vois l’élément qui varie, mais ne peux le suivre jusqu’au terme de sa variation, et cesse par conséquent de saisir le fait de la limite. B. — Vous ne m’avez sans doute pas compris : Qui vous demande de saisir tant de choses étranges ? Lorsque je dis : le nombre 0,999... a pour limite 1, voici ce que j’entends : Fixez-moi un nombre aussi


petit que vous voudrez : . ^^ >^, par exemple. Il suffira d’écrire au moins 6 chiffres décimaux pour que la différence entre 1 et le nombre variable tombe au-dessous de cette valeur. A. — Fort bien, et puis ?

B. — Et puis c’est tout, je ne veux pas exprimer autre chose ; c’est tout ce que contient la définition de la limite. A. — Libre à vous de le croire, mais c’est précisément alors en quoi vous vous trompez : si vous dites que le nombre 0,99... a pour limite 1, cela implique évidemment que le nombre s’approche de la valeur 1 jusqu’à l’atteindre. La valeur 1 se trouve engendrée par une sommation spéciale de nombres. Avoir une limite, pour une chose variable quelconque, n’est-ce pas synonyme d’atteindre une limite ? Une limite qui ne s’atteint pas n’en est pas une. Portez vos regards sur le monde qui s’offre à vos yeux, et où nous puisons tous les éléments de nos pensées. Si le débit d’une source diminue jusqu’à épuisement, vous présenterez le tarissement comme la limite de cette diminution. La nuit absolue qui succède au crépuscule pourra s’appeler la limite de la lueur décroissante du jour. Le repos complet d’un pendule ébranlé, et dont les oscillations seront de moins en moins sensibles, est la limite d’un mouvement de plus en plus faible. Tous ces exemples et une infinité d’autres ne nous montrent-ils pas la limite comme un dénouement, comme un terme d’une série d’états ? Il ne saurait donc y avoir le moindre doute ; quand on parle