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lité avec laquelle il répond, dans leur ordre de régularité et de généralité, aux relations du monde ambiant, plus la Pensée est parfaite elle-même et mieux elle mérite son titre de conscience du milieu. Et si les faits organiques, considérés comme représentatifs du milieu, constituaient déjà une nouveauté vis-à-vis du monde physique, a fortiori les faits de la Pensée, doublement représentatifs, vont-ils prendre en face de ce monde le caractère de la contingence. La physis reste la même ; la métaphysis, image de la première, se développe et se complète.

On le voit, nous connaissons à présent deux foyers concentriques où le milieu vient se réfléchir, deux systèmes de reproduction du cosmos emboîtés l’un dans l’autre, et ces deux systèmes, encore une fois, sont surérogatoires relativement à celui des forces physiques. Si la science qui étudie le premier système est la biologie, celle qui étudie le second sera la psychologie. L’une fait la théorie de l’organisme idée du monde, l’autre fait la théorie de l’esprit idée de l’organisme, théories toutes deux additionnelles par rapport à celle du monde physique. Il ne faudrait pas en effet, de ce que la physique fait parfois appel à la théorie de la perception externe dans son étude des agents sensibles (son, lumière, etc.), conclure que les deux sciences se confondent et que leur objet ne fait qu’un ; car les agents eux-mêmes n’ont rien de commun avec les effets qu’ils produisent sur nous, et bien qu’il faille tenir compte, dans la pratique, de la forme sous laquelle les phénomènes extérieurs se révèlent à nous, ces phénomènes n’en ont pas moins leurs relations réciproques parfaitement indépendantes de notre sensibilité.

De plus, ces deux représentations, celle du monde par le corps, celle du corps par l’esprit, sont étroitement reliées l’une à l’autre et s’accompagnent presque toujours en quelque mesure. D’une part, en effet, la conscience ne peut naître que sur une première représentation du milieu opérée dans l’organisme ; d’autre part, il semble que l’organisation elle-même ne soit jamais complètement indépendante de toute conscience, qu’elle n’aille jamais sans une tendance des éléments vitaux à se grouper idéalement sur un centre représentatif commun. Peut-être est-il plus prudent de laisser de côté les végétaux, où l’idée d’un plan psychique de la vie trouve difficilement son application ; mais on peut dire à tout le moins que, dans le règne animal, partout où il y a organisation, il y a, à un degré quelconque, psychose, et que le milieu ne saurait se refléter dans l’animal vivant sans se refléter, quelque obscurément que cela soit, dans l’animal sentant. C’est là un principe qu’il est facile d’admettre si l’on a soin de séparer la subconscience, ou l’acheminement vers la conscience, des formes claires et définies de cette même propriété, et qu’il n’est guère possible de rejeter, comme Lewes et Hæckel l’ont montré, si l’on veut trouver à l’esprit ses bases biologiques ultimes. Si donc nous adoptons le point de vue de ces penseurs, nous trouverions, dans la Vie et dans la Pensée, deux