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et relativement à nos semblables en général, plus aussi nous aurons d’actes divers à accomplir. Combien plus simple et plus homogène au contraire sera la conduite de l’homme uniquement occupé de lui-même ! Les actes nécessaires à la culture de l’esprit, à l’exercice de ses plus hautes facultés, contribueront encore à restreindre l’uniformité de la vie pour l’homme de bien, et l’hétérogénéité dans la combinaison des mouvements atteint, dans sa conduite, le plus haut degré.

L’évolution de la conduite, comme toute autre évolution, tend à un équilibre, mais à un équilibre mouvant. Conserver la vie, au point de vue physique, c’est conserver une combinaison harmonique d’actions internes en opposition à des forces externes qui tendent à la détruire, et plus la vie se développe, plus nous sommes d’abord devenus capables, par un progrès graduel des forces organiques qui ont à réagir contre les forces étrangères, de maintenir cette harmonie pendant une longue période. La vie est morale lorsque le maintien de cet équilibre mouvant est le plus assuré. Nous devons alors concevoir la possibilité, mais seulement dans une société idéale, d’une vie complète, c’est-à-dire d’un équilibre complet c entre les activités coordonnées de chaque unité sociale et celles de l’agrégat des unités. »

Cet homme moral, dont l’équilibre mouvant est parfait, ou s’approche le plus possible de la perfection, devient, si nous le désignons en termes physiologiques, si nous nous plaçons au point de vue de la biologie, celui dont les fonctions de tout genre s’exécutent convenablement. La vie manquera en effet d’être complète dans la mesure même où les fonctions s’accompliraient mal. Tout désordre résultant de l’excès ou de l’insuffisance d’une fonction , en réagissant sur les autres fonctions physiques ou morales, constitue en réalité un affaiblissement de la vie, et, s’il se prolonge, peut, amener la mort.

Il est vrai que, dans l’état actuel des choses, un état de transition, notre constitution est mal adaptée aux conditions, et souvent des obligations d’un genre élevé nous imposent une conduite funeste au point de vue physiologique ; mais nous n’en devons pas moins reconnaître que des actes propres à diminuer notre vitalité sont, abstraction faite de leurs autres effets, des actes immoraux.

M. Spencer, comme on le sait, donne pour objet à la psychologie l’étude de la correspondance qui s’établit entre les connexions des états subjectifs et les connexions des actes objectifs ; nous ne sortons donc pas du domaine de la biologie en considérant seulement les faits de sensibilité, les fonctions et leurs relations mutuelles. Parmi les faits de sensibilité, on distingue les sensations et les émotions : les premières se localisent et servent à la fois de guides et de stimulants, en des degrés divers toutefois, à l’exercice des fonctions, ou pour les organes vitaux, ou pour les organes des sens. Les émotions, qui ne sont pas localisables, remplissent ce double rôle de guides et de stimulants, avec plus de puissance même, dans certains cas, que la plupart des sensations. Or, si l’on étudie la relation des faits de sensi-