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de penser aux classiques, est-ce avec d’autres sentiments que l’indifférence et le dégoût ?

En supposant que la médiocrité des résultats actuels de l’éducation classique n’ait pas été exagérée, elle prouve seulement deux choses : la première, c’est qu’une telle éducation n’est pas sans doute faite pour toutes les intelligences et qu’il faudrait, avant d’être admis à y participer, avoir fait la preuve qu’on est capable d’y profiter : il ne serait pas peut-être aussi difficile qu’on le croit d’exiger et d’obtenir cette preuve ; la seconde c’est que les méthodes jusqu’ici employées ne sont pas sans doute les meilleures, et qu’on pourrait, par d’autres procédés, sans perte de temps et d’efforts, développer une culture intellectuelle infiniment plus intensive ; les maîtres de Port-Royal l’avaient déjà compris, et M. Compayré voit en eux, avec raison, les initiateurs des vraies méthodes d’enseignement secondaire. Mais que de travaux restent encore à faire avant que tous les principes qui doivent régler ces méthodes aient été mis en lumière et surtout avant qu’on ait dessiné dans ses linéaments essentiels le plan d’une éducation classique qui leur soit conforme ! On s’ingénie de tous côtés à perfectionner l’enseignement primaire : une sorte de concours perpétuel est ouvert entre tous ceux qui s’efforcent de rendre l’étude plus facile, plus attrayante, plus fructueuse en même temps, pour les enfants de nos écoles. Là, on n’en est plus à discuter sur les principes : on cherche seulement à les faire passer de plus en plus dans les méthodes. Est-il déraisonnable de désirer, d’espérer un mouvement d’idées analogue autour des questions d’enseignement secondaire ? Certes, les hommes compétents sur ces questions ne manquent point dans notre pays : les lumières de l’expérience ne font point défaut à nos maîtres. Puisse le livre de M. Compayré, en déroulant sous les yeux de tels lecteurs l’histoire de notre éducation nationale telle qu’elle s’est peu à peu développée sous la double action des événements et des théories, contribuer à hâter cette évolution nécessaire, d’où doit sortir enfin un système d’enseignement plus harmonieux et plus complet, d’accord à tous ses degrés avec les exigences de notre état social et politique non moins qu’avec les principes d’une pédagogie rationnelle !

Émile Boirac.