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notices bibliographiques

d’une manière si maladroite que souvent il tourne au ridicule. — Il a cependant traité des sujets fort intéressants et peu étudiés, dont l’énumération montrera assez le pêle-mêle de ce travail : folie des animaux, folie artificielle, ivresse, rêves et illusions, stupidité, suicide, crime et criminalité, individualité, sensibilité, etc. En résumé, l’ouvrage ne sera pas lu sans profit, à condition que le lecteur ait l’esprit critique et qu’il ne répugne pas à une exposition pleine de désordre.

Une publication assez inattendue est celle du P. Th. Harper, jésuite anglais, sur la métaphysique scolastique (The Metaphysics of the School by Ths Harper, S. J., London, Macmillan, tome I). Le premier volume qui seul jusqu’ici a paru traite de la définition de la métaphysique, de l’Etre et des attributs transcendants de l’Etre. L’ouvrage complet comprendra quatre volumes, qui seront consacrés aux principes de l’Être, aux causes, aux déterminations primaires de l’Être, aux catégories aristotéliciennes, à la théologie naturelle. C’est en réalité la métaphysique de saint Thomas que le P. Harper se propose d’adapter aux esprits du xixe siècle. Il a emprunté le plan général de son ouvrage à la Métaphysique de Suarez. — Le P. Harper fait dans son introduction des remarques judicieuses sur ce qu’il appelle les deux principales infirmités du temps : réceptivité excessive, effort vers une originalité vulgaire. — Dans son second volume, il nous promet une discussion de Kant sur la possibilité de la métaphysique ; elle aurait semblé mieux à sa place au début du livre. Il nous promet aussi de montrer que la doctrine de saint Thomas sur l’univers matériel « est en merveilleux accord avec les inductions des expérimentalistes modernes. » — Nous sommes curieux de savoir quel accueil ce livre recevra dans le pays de Herbert Spencer et de Darwin.

M. Balfour appartient à la catégorie des esprits pour qui le scepticisme est un moyen critique d’investigation, non une doctrine et un jeu d’esprit. Le titre de son ouvrage en indique la tendance : A defence of philosophie Doubt : being an Essay on the foundation of Belief, 1879. Macmillan. L’âge actuel ne vise qu’à une chose : tout prouver. C’est là, suivant l’auteur, une illusion de l’époque. La philosophie joue un rôle analogue à celui qu’elle a soutenu pendant le moyen âge. Elle se contentait alors d’être la servante de la théologie ; maintenant elle n’aspire à rien de plus qu’à coordonner les résultats des sciences spéciales. — L’auteur fait porter son examen critique sur les questions suivantes : la loi de causalité ; l’existence du monde extérieur indépendamment de la conscience, etc. Les doctrines qu’il étudie sceptiquement (en prenant ce mot au sens étymologique) sont celles de Kant et de ses disciples, de Hamilton et du témoignage de la conscience, l’école du « sens commun », les thèses de Stuart Mill, le postulat universel et le « réalisme transfiguré » de Herbert Spencer. Sa conclusion, c’est qu’il n’y a pas une seule des philosophies actuellement en vogue qui soit complètement satisfaisante. Son livre, quoiqu’il puisse mécontenter un peu tout le monde, ne sera pas lu sans profit.