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ANALYSES. — Dr  j. hoppe.Die Schein-Bewegungen.

nerai en examinant brièvement les conclusions philosophiques de M. Hoppe.

« Berkeley disait : Percipi est esse. Mais le mouvement de la rive en arrière est perçu : existe-t-il donc aussi bien ? Sans doute, mais seulement dans nos fonctions intellectuelles, non dans la réalité. » (P. 210.)

C’est sur ce thème que notre auteur bat en brèche la conception idéaliste qui fait de la réalité une pure illusion, du monde une simple apparence phénoménale. S’il consent à admettre encore cette dernière expression, il fait remarquer que « les choses en général n’existent pas les unes par rapport aux autres autrement que par rapport à nous, que nous n’avons pas besoin d’insister sur le caractère phénoménal de notre connaissance plutôt que sur le caractère phénoménal de l’action de toutes les choses les unes par rapport aux autres » (p. 24).

« Phénoménal doit donc signifier ce qui existe en actions et en conséquences, et c’est le mode d’existence de toutes choses les unes par rapport aux autres.

« L’apparence est la perception avec pensée (Denkwahrnehmung) des actions exercées sur notre appareil sensoriel.

« L’illusion est un produit discordant des ganglions centraux, qui résulte en partie d’une adhésion passive et d’une coopération de notre activité pensante (Denkthätigkeit).

« Le mouvement illusoire de la rive est un produit de la fonction des tubercules quadrijumeaux, résultant de ce que notre activité pensante, dans le travail de ces tubercules occasionné par les excitations externes, a renoncé à son propre travail et n’a servi qu’à une pure transmission machinale. C’est une illusion et en même temps une apparence d’un fait existant phénoménalement, mais qui pourtant n’en est pas plus réel. » (P. 212.)

Nous abrégeons ces extraits ; nous avons choisi, pour les traduire fidèlement, les passages qui nous ont semblé laisser le moins à désirer comme style et comme netteté d’expression. C’est à notre lecteur de juger si M. Hoppe a eu toute raison de s’aventurer sur un terrain dont il aurait, tout aussi bien, pu s’abstenir.

En fait, c’est un réaliste naïf. Comme sa croyance est bien, à mon sens, le plus commode oreiller pour la cervelle humaine, je me garderai de l’attaquer ; mais la question est de savoir si son étude des illusions, pour intéressante qu’elle soit, fait faire un pas dans la grande querelle métaphysique.

Son argumentation est, elle-même, un peu trop naïve. Quand Berkeley a dit : Percipi est esse, il est assez probable qu’il ne connaissait pas cette illusion de l’Uferbewegung ; mais il y en a bien d’autres qui avaient, sans aucun doute, provoqué ses profondes réflexions ; l’halluciné perçoit, lui aussi, ce qui n’est pas ; pour la réfutation par l’absurde qu’essaye M. Hoppe, il y a là une prémisse au moins aussi saisissante que la sienne. Mais qui ne voit que, pour que la réfutation fût rigoureuse, il faudrait s’être exactement entendu de part et d’autre sur ce qu’on