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ANALYSES. — t. mamiani.La religione dell’avvenire.

celui-ci. Non point qu’il ignore les résultats des sciences expérimentales, les conclusions de l’histoire et de la critique contemporaines ; mais il ressent le plus profond mépris pour la méthode négative qu’on prétend en tirer. C’est résolument et consciemment qu’il cherche à se déprendre de l’attrait qu’exerce sur tous les esprits d’aujourd’hui « ce savoir soi-disant positif », pour en revenir simplement au bon sens.

J’ai dit que M. Mamiani était un ancien ; lisez plutôt :

« On nie tout, de notre temps[1] ; ces négations nouvelles ou renouvelées importeraient fort peu, à coup sûr, s’il était permis de les combattre avec les principes du sens commun ; car la majeure partie des hommes pense et agit sous l’influence et à la lumière de ces principes. Mais ce n’est pas là ce qu’on enseigne à présent dans les écoles : on y enseigne que lesdites négations sortent comme conséquences évidentes et irréfutables du nouveau savoir positif, et que le sens commun lui-même doit rester muet devant les résultats tout à fait certains et tout à fait démontrés des sciences modernes… En vérité, il faut reconnaître que jamais époque ne fut plus vantarde ni plus adulatrice d’elle-même que la nôtre ! »

Cette citation fera connaître, mieux qu’une longue analyse, l’esprit qui anime M. Mamiani. Ce n’est point un critique, c’est un croyant ; — s’il n’est pas chrétien, il est platonicien, — et la foi n’y perd rien. L’intuition est le critérium dernier de sa logique. Les restrictions du positivisme expérimental non plus que les doutes du subjectivisme transcendantal ne sauraient le toucher : car il se réfugie dans l’arche sainte de la conscience, où il se trouve face à face avec ses chères croyances, qui ne sont peut-être qu’illusions, mais qu’il a la consolation de ne voir démenties ni par la vieille dialectique ni par la jeune science.

Il serait donc hors de propos de demander à M. Mamiani une critique de la connaissance, ou une discussion de méthode sur la valeur logique de l’a priori et de l’aperception immédiate. Son livre est moins un traité scientifique que la confession d’un homme de foi à qui la science ne peut suffire.

M. Mamiani est de ceux qui pensent que le vrai ne saurait en aucun cas s’opposer au bien. Ce n’est pas lui qui dirait, comme M. Renan : « Peut-être est-ce le désespoir qui a raison ; pourquoi la vérité ne seraitelle pas triste ? » Pour lui, la doctrine la plus certaine est celle qui élève le plus l’homme et qui peut produire la plus grande somme de bien sur la terre ; la morale est le principe et la fin de la métaphysique. Au fond, il est optimiste comme Platon et Leibniz, comme Plotin et Malebranche, et tous les arguments de l’hypercriticisme échouent à ses yeux contre une seule de ces intuitions mystiques auxquelles il suspend son âme et sa pensée. Pourquoi ? Parce que Dieu, cause de toute perfection, lui apparaît aussi comme la cause de toute existence. Raison

  1. La religione dell' avvenire, p. 19.