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jeunesse, ne pourrait les acquérir plus tard qu’au prix de longs et laborieux efforts. En d’autres termes, l’art de l’éducation doit lui aussi savoir se borner au plus pressé ; et le plus pressé, ce n’est pas seulement ce qui vaut le mieux d’une manière absolue ; mais ce qui est à la fois désirable et opportun, étant donnés et les conditions présentes de ceux qu’on élève, et l’état futur pour lequel on les élève.

Il ne nous appartient pas ici de prendre parti entre les deux plus récents théoriciens anglais de l’éducation, MM. Bain et Herbert Spencer. Si l’un élargit peut-être outre mesure le domaine de l’éducation, l’autre le rétrécit peut-être à l’excès. Mais la divergence même des deux doctrines montre bien que c’est là une question fort délicate et qui mérite d’être examinée de très près.

La division généralement admise des diverses sortes d’éducation correspond à peu près au tableau des formes de l’activité dressé par MM. Compayré et Herbert Spencer : éducation physique, éducation morale, éducation intellectuelle.

L’éducation physique, dans sa partie positive, est l’œuvre des premières années de l’enfance : si l’on y fait entrer l’éducation des sens, elle est la préparation nécessaire de l’éducation intellectuelle ou de l’instruction proprement dite. À mesure que le corps se fortifie et que l’esprit se développe, son rôle s’amoindrit de plus en plus. Il finit par se réduire à l’observation de certaines règles d’hygiène scolaire, dont les plus importantes sans doute se résument dans la vieille formule : μηδέν ἄγαν. Toutefois M. Compayré remarque avec raison qu’il ne suffit pas d’utiliser les lois de la physiologie pour l’éducation physique de l’enfant ; il faut que l’enfant, devenu homme, ait été initié à la connaissance de ces lois, à la fois dans son intérêt propre et dans l’intérêt de la famille dont il sera plus tard le chef.

L’éducation morale est le plus complexe et le plus difficile des problèmes pédagogiques. Bien des causes en retardent la solution. D’abord, les lois qui président à la naissance et au développement des émotions et qui règlent leur influence sur l’activité volontaire sont encore mal déterminées : de l’aveu de tous les psychologues, cette partie de la psychologie est la plus imparfaite. Ensuite ces lois, quelles qu’elles soient, permettent ou plutôt commandent une variété presque infinie de combinaisons et de formes dans les différentes natures individuelles. Par là sont mises en défaut, dès qu’il s’agit du moral, c’est-à-dire des tendances et des habitudes émotionnelles et de leurs effets sur la conduite, la plupart des maximes pratiques d’éducation qui visent à une certaine généralité. Ce