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si Fichte n’avait érigé en certitude théorique ce que son maître n’admettait qu’à titre d’hypothèse ou de postulat pratique.

On peut se demander si cette foi religieuse, qui renonce à rien démontrer de Dieu et de l’autre vie, a quelque chance de plaire aux théologiens et aux philosophes, et de faire régner entre la spéculation et la science cette paix définitive, qui est le vœu le plus cher de Kant.

L’expérience et l’histoire semblent bien nous apprendre que les théologiens et les métaphysiciens ne se résigneront pas de longtemps aux réserves de la pensée critique. L’âme du philosophe, comme celle du croyant, dans la plénitude de sa foi religieuse, ne se résout pas plus aisément à se taire devant l’incrédulité, que l’enthousiasme de l’artiste ne consent à supporter en silence l’indifférence ou la contradiction. Et, malgré l’insuccès de tentatives sans nombre, le raisonnement continuera d’être appelé au secours de croyances comme d’admirations, qui ont pris naissance pourtant et savent bien se maintenir sans lui.

Kant n’en a pas moins fait beaucoup pour la paix des âmes en laissant au monde ce profond enseignement : que la science, loin d’épuiser l’explication de la réalité, n’en saisit, à vrai dire, que la surface et l’apparence ; et que, relativement à cet autre monde où elle n’a pas accès, notre commune ignorance nous fait un devoir de la tolérance mutuelle pour toutes les doctrines métaphysiques ou religieuses auxquelles se complaît la conscience morale, et que ne contredit ni ne désavoue l’entendement.

D. Nolen.