Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/661

Cette page n’a pas encore été corrigée
651
d. nolen. — la critique de kant et la religion

à leur sujet, dans la contradiction qu’il voulait éviter et qui consiste à réaliser une multitude infinie. En résumé, la métaphysique de la nature qu’enseigne la philosophie critique, démontre que la réalité sensible n’est pas un monde de choses en soi ; qu’elle n’a pas d’existence propre en dehors de l’esprit ; que le tout qu’elle constitue n’est jamais définitif, et que les bornes en sont variables, comme la synthèse régressive dans laquelle l’esprit ramasse les données de son expérience mobile. L’absolu ne se rencontre pas dans la série inépuisable des phénomènes. Notre pensée pourtant le conçoit ; c’est donc en dehors du monde sensible qu’il faut le chercher. La raison théorique ne voit aucune impossibilité à ce qu’il s’y trouve ; mais, enchaînée aux conditions de l’expérience, elle ne se reconnaît pas le pouvoir de l’y découvrir : elle fait profession d’ignorer si l’absolu existe et quel il est.

La métaphysique du criticisme oppose une argumentation semblable aux doctrines fatalistes, qui ne font pas courir à la conscience religieuse un moindre péril que le panthéisme. La théorie des antinomies dynamiques est particulièrement destinée à les réfuter. Les fatalistes ont raison de soutenir que, dans le monde des phénomènes, dans la nature, aussi bien morale que physique, la loi universelle de la causalité maintient une inflexible nécessité ; que tous les mouvements de la pensée, de la vie et de la matière, les plus imperceptibles comme les plus apparents, les plus capricieux comme les plus réguliers, pourraient être calculés, prévus avec une égale précision par une science suffisamment informée. Mais le principe de causalité ne régit que les phénomènes, les faits qui se succèdent dans le temps. Notre esprit conçoit qu’en dehors du temps puissent exister des réalités affranchies de la loi de la causalité : elles échappent aux prises de l’entendement ou de la raison théorique, qui ne connaît que sous la loi du temps.

Aux négations qui s’attaquent à Dieu et à la liberté, le matérialisme vient joindre ses objections contre l’existence d’un principe distinct de la matière, contre l’âme. Fort des récentes conquêtes du mécanisme évolutionniste, plus fort encore des espérances illimitées quelles lui font concevoir, il n’hésite pas à soutenir que la pensée est comme la vie, comme la diversité des espèces, la manifestation de forces inhérentes à la matière ; et que le jour n’est peut-être pas éloigné, où il nous sera donné de saisir sur le fait la transformation des propriétés physiques et chimiques en propriétés organiques, et le passage de celles-ci à la pensée sous sa forme élémentaire et primitive, la sensation. Mais, lors même qu apparaîtrait, en dépit des prévisions contraires de Kant, le Newton capable de faire sortir la vie