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LA CRITIQUE DE KANT ET LA RELIGION[1]



Notre siècle positif est beaucoup moins dégagé des préoccupations religieuses, qu’il ne le dit et ne le croit lui-même. Il est facile d’en juger non seulement par le grand conflit qui s’est allumé entre l’Église et l’État dans ces dernières années, mais encore par la place que la question religieuse tient dans les écrits des penseurs les plus considérables du temps. Aussi un des kantiens les plus justement considérés, le Dr Emil Arnoldt, répondait-il au besoin général des esprits, lorsqu’il essayait de déterminer d’une manière définitive la pensée religieuse du grand maître, auquel la philosophie semble revenir de plus en plus. C’est dans la patrie même de Kant, devant la Société qui s’est placée sous le patronage de ce nom illustre et à l’université de Kœnigsberg, qu’ont été prononcés, à un an d’intervalle, les deux discours qui nous paraissent contenir le dernier mot de l’érudition sur les rapports du criticisme de Kant avec la religion.

Nul n’était mieux préparé que le Dr Arnoldt à l’examen de cette délicate question. Son pénétrant et habile plaidoyer contre Trendelenburg en faveur de l’esthétique transcendantale de Kant[2] l’avait placé au premier rang parmi les interprètes exacts et consciencieux de la doctrine critique, à égale distance d’un commentaire servile et d’une appréciation trop libre. Le Dr Arnoldt ne dissimule pas les obscurités, les contradictions mêmes de son auteur. Il essaye néanmoins de corriger ou de compléter les déclarations de Kant pour les mettre plus d’accord avec les principes essentiels du système.

L’idée dominante des deux études que nous avons sous les yeux, c’est que la doctrine de Kant constitue le plus solide rempart de la foi religieuse contre les attaques sans cesse renouvelées de l’incré-

  1. Dr Emil Arnoldt. Metaphysik die Schutzwehr der Religion, 1873. — Ueber Kant’s Idée vom hochsten Gut. 1874. — Kœnigsberg, Theile.
  2. Dr Emil Arnoldt, Kant’s transcendentale Idealitát des Raumes und der Zeit. Kœnigsberg, 1870.