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on connaît d’avance les propriétés sans même avoir besoin de les déterminer par l’expérience directe est plus considérable encore. Il est inutile d’en donner des exemples ; ils se présentent tout naturellement à l’esprit[1].

Parmi les sciences qui s’occupent de la nature, on peut distinguer deux groupes, celui des sciences d’observation pure (zoologie, botanique, minéralogie, géologie) et celui des sciences expérimentales (physiologie, physique, chimie). Dans les sciences d’observation, le rôle du savant est un rôle d’observateur et de classificateur : le géologue, par exemple, examine l’ordre de succession et les âges relatifs des différentes couches de l’écorce terrestre, en cherchant, classant méthodiquement les fossiles qui s’y trouvent, de manière que les observations paléontologiques corroborent les observations stratigraphiques. Il est hors de son pouvoir de créer le plus petit fossile ou de modifier l’ordre des couches superposées qu’il décrit. De même, le zoologiste et le botaniste sont impuissants à créer des espèces. Tout au plus peuvent-ils faire produire à la nature des variétés. Les sciences d’expérimentation peuvent modifier les phénomènes de la nature et interviennent activement dans le jeu des forces qu’elles dirigent. Mais ni la physiologie ni la physique ne peuvent produire des espèces nouvelles. La chimie au contraire se pose à chaque instant ce problème, et le résout : Etant donnés deux corps, 1° sont-ils capables de se combiner ? 2° quel est le nombre des combinaisons possibles ? 3° comment les produira-t-on ? 4° quelles sont les propriétés de chacune de ces combinaisons ? Toutes questions qui reçoivent presque toujours d’avance une solution que l’expérience ne fait que confirmer.

Alors que les autres sciences sont surtout analytiques, comme la chimie elle-même Tétait au début, la chimie tend à devenir essentiellement synthétique. Déjà elle a pu reproduire avec toutes leurs propriétés certaines substances de l’organisme végétal (alizarine, indigotine) et certaines substances de l’organisme animal (urée, névrine).

Grâce à ces deux puissants moyens de connaissance, l’analyse et la synthèse, la chimie a pu pénétrer dans la constitution de la matière. La matière doit être conçue comme un assemblage de particules infiniment petites, dont la petitesse défie toute imagination, et qu’on nomme les atomes. Les atomes sont doués de masse, c’est-à-dire pondérables. Ils ne sont pas tous identiques ; il y en a autant

  1. La totalité des sels neutres qu’on peut concevoir dans l’état actuel de nos connaissances est de 1152. (Lavoisier, Traité élém. de chimie, 2° édit., 1793, t. I, p. 182). Aujourd’hui on en peut concevoir des millions.