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justesse : il les loue d’avoir voulu que l’éducation tendît avant tout à développer la réflexion personnelle chez l’élève, d’avoir simplifié l’enseignement du latin, et d’y avoir joint celui de la langue nationale, mais il leur reproche leur esprit d’ascétisme. L’idéal de Port-Royal est l’honnête homme, tel que le concevaient les meilleurs esprits du dix-septième siècle, assombri seulement par une sorte de tristesse et de gravité puritaine. Quelques emprunts que la pédagogie contemporaine puisse faire aux méthodes des solitaires de Port-Royal, il lui sera difficile, croyons-nous, de ne pas modifier profondément leurs vues générales sur l’éducation, si elle veut les approprier au nouvel état social et intellectuel de l’humanité..

Sur bien des points, comme M. Compayré l’a montré, les idées qui ont cours sur l’éducation dans notre siècle concordent singulièrement avec celles d’un écrivain trop peu connu, Fleury, l’auteur d’un Traité du choix et de la méthode des études. La satire, exagérée sans doute, qu’il fait des études de son temps ressemble fort à celles que pourraient faire des études de nos jours les adversaires de notre système d’éducation publique : « Parlons de bonne foi : que reste-t-il à un jeune homme nouvellement sorti du collège qui le distingue de ceux qui n’y ont pas été ? Il entend médiocrement le latin. Il lui reste quelques principes de grammaire qui font que, s’il y veut penser, il peut écrire plus correctement qu’une femme. Il a quelque teinture de la fable, des histoires grecques et de l’histoire romaine. Pour la philosophie, il lui en reste aussi quelque idée confuse… Au reste, il croit n’avoir plus rien à apprendre, puisqu’il a fait ses études. » Le but que Fleury assigne à l’éducation est double ; il s’agit de faire : des hommes honnêtes, et des hommes habiles. Fleury distingue, à peu près comme Herbert Spencer, trois sortes d’études, les unes nécessaires, les autres utiles, les autres enfin simplement curieuses. Au nombre des premières, qu’il voudrait voir communes à tous les hommes, il met non seulement la morale, mais la logique et l’hygiène. Il fait passer la grammaire, l’arithmétique et même l’économie et la jurisprudence avant l’histoire et les langues. Il ne croit au latin d’autre utilité que de nous faire entendre les ouvrages des anciens et de nous permettre de communiquer avec les étrangers. Évidemment, de telles vues supposent une tout autre idée de la nature et du but de l’éducation que celles qui ont généralement cours, même à notre époque, parmi ceux qui font profession de s’occuper des questions pédagogiques.

Un autre écrivain du dix-huitième siècle représente un esprit tout différent, celui-là même qui a longtemps dominé dans l’enseignement classique et qui exerce encore une profonde influence sur