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Ainsi, en faisant abstraction des propriétés chimiques, nous voyons que, dans la première famille, le fluor et le chlore sont gazeux, le brome liquide, l’iode solide, à la température ordinaire ; dans la seconde famille, l’oxygène est gazeux, le soufre fusible à 110°, le sélénium fusible vers 250°, la tellure fusible au rouge, et de même, pour les autres familles, la volatilité va en décroissant du premier terme au dernier. La densité au contraire suit une marche inverse, et va en croissant du premier terme au dernier, etc.

Dans ces derniers temps, M. Mendéléeff a soutenu cette opinion ingénieuse qu’on peut ranger les éléments en séries telles que leurs propriétés soient représentées par des fonctions périodiques. Sans entrer dans les détails de cette conception séduisante, mais hypothétique, nous la rapprocherons d’une idée émise en 1864 par M. Berthelot dans ses belles leçons sur l’isomérie professées à la Société chimique. M. Berthelot considère les propriétés de la matière comme pouvant être exprimées théoriquement par une fonction complexe d’un grand nombre de variables. Toutes les fois qu’on donnera à chacune de ces variables une valeur déterminée, il en résultera pour la fonction une valeur également déterminée, laquelle exprimera les propriétés d’un certain corps simple. Rien ne s’oppose à ce que cette fonction puisse être périodique, comme le veut M. Mendéléeff. Cette dernière hypothèse a reçu déjà une brillante confirmation par la découverte du gallium de M. Lecoq de Boisbaudran. Dans le tableau par lequel M. Mendéléeff avait représenté le groupement des éléments simples connus en séries périodiques, il avait signalé des lacunes répondant chacune à l’existence d’un élément encore inconnu. C’est précisément une de ces lacunes que le gallium est venu combler, et, en effet, les propriétés du gallium se rapprochent sensiblement de celles que M. Mendéléeff avait assignées à un des éléments nouveaux dont il supposait l’existence.

Les divers corps simples présentent des différences et des analogies : il est plus naturel et plus intéressant d’insister sur les analogies que sur les différences. En les considérant comme des termes d’une même série, on est amené à regarder certains d’entre eux comme amenant une transition d’un corps à l’autre et d’une famille à l’autre. Ainsi le tellure et l’oxygène sont très différents au premier abord ; mais le soufre ressemble à l’oxygène, le tellure ressemble au sélénium, et le sélénium et le soufre sont très voisins. De même, le silicium établit la transition entre le carbone et l’étain, deux corps dont les propriétés semblent très différentes. Le thallium est l’intermédiaire naturel entre les métaux alcalins (potassium) et le plomb. De même qu’en zoologie — et on pourrait dire dans toute la nature — il y